- Une orchidée du Mexique apportée par Cortés. Son fruit est le plus rare de la Terre
- C’est une gousse parfumée. Elle vaut de l’or!
Billet de ferveur
AE : Les documents relatifs à la vie d’Edmond Albius sont rares. De quelles sources avez-vous disposé pour écrire le récit ? Gaëlle Bélem : Les esclaves ont contribué à écrire l’histoire économique et agricole de La Réunion. Mais individuellement, l’esclave est un être si déshumanisé et invisibilisé qu’il n’a pas d’histoire et ne laisse pas ou seulement très peu de trace dans les sources. L’esclave Edmond fait partie de cette masse anonyme et muette. Il n’y a donc que peu de documents qui parle de lui. Pour rédiger sa biographie romancée, je me suis servie de diverses sources du XIXe siècle, siècle où Edmond. Ce sont des coupures de presse, des lettres privées, des courriers administratifs, des inventaires de biens, des extraits d’état civil et de testament. Un travail de collecte, de lecture, de confrontation des sources écrites fut fait. Après vint une recension des sources iconographiques (tableaux des paysages de Bourbon au XIXe s., de l’annonce de l’abolition de l’esclavage, portrait d’Edmond Albius, etc.). Puis, lectures de livres d’historiens contemporains sur la période esclavagiste, de récits de voyages à Bourbon, de témoignages sur la vie dans les colonies de plantation avant et jusqu’au XIXe siècle. Ensuite, collecte de photos et lecture de livres de botanique pour bien connaître les orchidées. Enfin, des visites dans les vanilleraies de La Réunion. Malgré ce travail considérable, si je ne m’en étais tenue qu’aux sources, je n’aurai pas pu écrire plus de deux pages sur Edmond Albius. C’est à ce moment-là qu’a cessé le travail de l’historienne et commencé l’inventivité de la romancière avec ce matériel documentaire varié mais au demeurant très maigre sur Albius. AE : le roman pose très subtilement la frontière – et toute l’ambiguïté – entre le paternalisme des colons et le racisme qu’ils manifestent par un sentiment de supériorité enraciné. Est-ce pour se blanchir qu’Edmond a choisi le patronyme « Albius » ou est-ce une fantaisie romanesque ? Gaëlle Bélem : Albius, plus blanc en latin, est le véritable nom de famille d’Edmond. À vrai dire, ce patronyme est tout aussi étonnant que son prénom d’Edmond. Pensez donc ! Un esclave du XIXe siècle, avoir un prénom et un nom à coloration aussi occidentale ! Ce nom lui a peut-être été donné par son maître, par son entourage noir qui estimait peut-être qu’avec une telle découverte, il était devenu plus blanc que les autres Noirs. L’officier d’état civil chargé d’enregistrer les noms de famille des esclaves après l’abolition de l’esclavage a peut-être trouvé ce nom pour lui. Une chose est sûre, celui qui lui a donné ce nom – C’est peut-être aussi un nom qu’Edmond s’est lui-même choisi – connaissait sa découverte et témoigne par ce nom que la réussite était alors associée à la blanchité. On n’en sait rien. Tout ce que je sais, c’est que fort heureusement, ce temps n’est plus.