L’écorché

« Reconstruire de la Lumière endommagée et insuffler de la Beauté. Ces deux axes orientent ma vie et lui donnent sens dans un monde déshumanisé et peu miséricordieux qui ne respire plus que par les naseaux du profit, de l’égocentrisme et de la domination. »

Chirurgien esthétique, Philippe Jacquemart rend vie, expression et lumière à des visages mutilés. Il œuvre en la clinique parisienne Saint-Laurent mais aussi à la restauration de statues, dans l’atelier de sculpture de Justin. Ce sont deux pans d’un même élan altruiste.

Sa vie s’écoule, paisible, aux côtés d’Albane, patiente rescapée de l’attentat du Bataclan, treize ans auparavant  – nous sommes en 2028 – et de sa charmante fille Eloïse

Une sérénité qui va être grandement troublée par le retour dans sa vie d’Olga Mirachencko – son amour d’autrefois – et une prise de rendez-vous hautement énigmatique.

Il lui est demandé de reconstituer le visage de Vlad Rashen, fils d’Olga et célèbre slagger, gravement dissout d’un jet haineux de vitriol.

Une mission à haut risque qui dote ce roman d’amour et d’anticipation d’une allure de « thriller » et de la vision d’une planète grandement écorchée, la nôtre.

Alliant une écriture soignée, finement ciselée aux effets captivants d’une tension dramatique magistralement contrôlée, Bernard Tirtiaux délivre un message subtil et percutant sur les combats à mener pour le bien-être de la planète et de ses habitants

Une lecture recommandée

Apolline Elter

L’écorché,Bernard Tirtiaux, roman, Ed Genèse, janvier 2024, 192 pp

Billet de ferveur

AE :  Bernard Tirtiaux, on vous connaît – et apprécie- comme artiste et «passeur de lumière » ; le monde de la chirurgie esthétique semble vous être également familier tant les descriptions sont minutieuses et précises. Comment vous êtes-vous documenté sur le sujet ?

Bernard Tirtiaux : En fait, un heureux hasard m’a mis entre les mains une interview du professeur Benoît Lengelé qui est une sommité dans le domaine de la chirurgie réparatrice. En marge du descriptif de son métier, j’ai été sensible à ce qu’il a pu dire de cette perte de lumière qu’est la perte d’un visage et du rôle d’artisan qui est le sien dans ses reconstructions. J’ai ressenti beaucoup d’humanité et de profondeur dans son propos. Je me suis dit: « Voilà un homme à qui je confierais bien la planète pour lui rendre meilleure figure ». Et le roman est parti dans ce sens. Une fois mon histoire bouclée, je me suis permis de déranger ce grand monsieur pour qu’il apporte sa touche à ce que j’avais pu développer sur le sujet. « Le passeur de lumière » a été mon sésame. Il  a reçu ma requête avec grande gentillesse et je reste très remerciant qu’il ait pris le temps de me relire et d’œuvrer en chirurgien sur mon texte.  

AE : L’exergue du roman est une citation de Ricardo Petrella qui entrevoit une possibilité d’amélioration de la situation planétaire – à l’instar de la restauration de Notre-Dame de Paris –  au prix d’un effort collectif  «  (…) car on n’est libre qu’avec les autres » .  Est-ce le message que porte Philippe Jacquemart, le narrateur ? Indignation  vs Réparation ?

Bernard Tirtiaux : J’ai envie de dire que Philippe, mon narrateur, est au départ quelqu’un comme vous et moi qui excelle dans ses domaines et pour qui la vie est clémente et les indignations purement verbales. Son rayon d’action est circonscrit dans le cadre de son métier et de gestes humanitaires à son niveau. Le déferlement dans son existence de ce Don Quichotte musicien débusquant dans ses « slags » tous les inadmissibles qui nous meurtrissent l’âme va transformer la goutte d’eau qu’il était individuellement en une immense pluie salutaire avec la force des autres, leurs libertés rassemblées pour changer la donne. Je me permets de rêver cet impossible rêve avec Riccardo Petrella, avec les habitants de la terre, avec mes amis artistes écorchés comme je le suis par les exactions incessantes des plus fortunés sur le vivant. J’imagine une sortie du cauchemar. Le fil rouge de ce roman de courte anticipation est là. 

AE : les slags de Vlad Rashen sont diantrement bien ficelés – bravo -une vraie poétique des mots dont l’économie verbale accentue la percussion. Etes-vous slagger dans l’âme ?

Bernard Tirtiaux : Merci pour ce compliment! Il est vrai que mon langage de cœur reste la poésie et que chanter est pour moi une invitation au quotidien aussi impérieuse que mon besoin de célébrer la lumière en créant des vitraux ou en sculptant le verre. On a beau être meurtris par ce qui se passe, l’émerveillement nous rattrape à chaque jour qui se lève, à chaque fois que le visage de cette terre nous sourit. l’antipoison est à notre portée. Et pour répondre à votre question. Oui! J’ai un « slag » dans mes soutes. Sans avoir le talent de Vlad Rashen, je n’ai pas résisté à la tentation. 

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