La femme révélée

Lorsqu’elle épouse Adam Donneley, Eliza opte pour la voie d’une vie rangée, parfaitement aisée.

Le couple habite Chicago avec Tim,  l’enfant né de leur union.

Que nous vaut de la retrouver à Paris, en 1950, sous une nouvelle identité – celle de Violet Lee – après avoir fui son mari et son fis? 

Elle sombre rapidement  dans la précarité, n’ayant plus comme fortune qu’un  Rolleiflex et l’art de réaliser des portraits.

Levant peu à peu le voile sur les circonstances – funestes – du départ de « Violet » et la menace constante qui plane sur elle, Gaëlle Nohant renoue avec l’intensité dramatique, le souffle romanesque qui caractérise La part des flammes ( Ed. Héloise d’Ormesson – 2015 – Billet de faveur sur ce site) 

Le hasard des rencontres, la fortune de quelques bienveillances – telle l’estime que lui porte le célèbre   photographe Robert Cermak- restaureront une confiance en elle mise à mal par son récent passé, sa présente solitude.

« — Vous n’aviez d’yeux que pour lui, mais vous n’êtes pas allée au bout de votre audace. Un photographe ne peut s’encombrer de politesse. Il faut aller chercher l’image. »

Révélée à elle-même, Violet est femme relevée: elle conquiert peu à peu la liberté intérieure dont elle a été spoliée.

Une leçon de vie et de force résolument optimiste

Apolline Elter

La femme révélée, Gaëlle Nohant, roman, Ed. Grasset  janvier 2020, 384 pp

Billet de faveur

AE : La fuite d’Eliza,  sa désertion du foyer conjugal procède, somme toute, d’un incendie et de ses conséquences dramatiques…  Voilà qui nous rappelle le tristement célèbre brasier du Bazar de la charité, le 4 mai 1897 et La part des flammes…

Gaëlle Nohant : C’est vrai, je m’aperçois que l’incendie est un motif récurrent dans mes romans ! Et je me rends compte qu’à chaque fois, il s’agit de « pièges de flammes » qui ont une dimension sociale : un piège à femmes dans la Part des flammes, un piège à minorités dans ce roman-ci, mais aussi et surtout, en définitive, « un piège à pauvres. » Je crois que je suis sensible à tout ce qu’on ne décide pas, qui dépend du lieu de notre naissance, de notre genre ou de notre milieu d’origine, et conditionne notre destin. Comment faire pour conquérir un peu de liberté quand rien ne nous y prédispose ? C’est il me semble le thème de chacun de mes romans.

AE : le Rolleiflex de Violet guide le regard qu’elle porte sur la société et celui du lecteur. Il rend le roman très cinématographique. Songez-vous déjà à son adaptation sur grand écran ?

Gaëlle Nohant : Absolument pas. Mon horizon ne va pas au-delà du roman, de la chance qu’il soit lu et aimé par des lecteurs. Bien sûr s’il est adapté sur grand écran j’en serai ravie ! Dans ce livre, j’ai beaucoup travaillé sur les photographes, parcouru des vies de photographes. Quel regard posent-ils sur le monde, qu’est-ce qui décide de leur vocation, et surtout quelle relation ont-ils avec l’objet photographié ? S’il y a une forme de prédation dans le photographie (dans certaines cultures, on redoute que les photographes « volent l’âme des modèles »), est-ce qu’une photo peut être le point de départ d’un vrai lien ? Enfin, ce que Violet choisit de regarder et de montrer nous la révèle, dans sa dimension humaine, sociale et politique. Photographier, c’est aussi choisir son camp, comme le dit Robert, son ami photographe. J’ai emprunté le regard de Violet et comme cette histoire n’est racontée que de son point de vue, elle est forcément très visuelle. D’où  le côté cinématographique. Mais ce qui m’intéressait surtout, c’est qu’on soit dans sa vision subjective du monde et de sa propre histoire. Qu’on s’attache à elle avant de savoir ce qui avait pu la pousser à quitter son fils, à ce déchirement inguérissable. Qu’on fasse le chemin avec elle, celui de sa reconstruction et celui qui l’a conduite à ce point de fracture. Quand on la rencontre, elle est déchirée, exilée à l’extérieur et à l’intérieur d’elle-même. Comme Ulysse, elle va faire un long voyage dont elle reviendra différente, plus forte, plus libre.

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