Les guerres intérieures

Pax Monnier est un « acteur de seconde zone »

Quand  Peter Sveberg, le célèbre réalisateur américain,  de passage à Paris, le fait appeler pour lui confier un rôle dans un prochain film, Pax sait qu’il lui  faut saisir,  là, la chance de sa vie.

Au moment de se rendre à son rendez-vous, il entend des bruits dans son immeuble,  qui évoquent une rixe; Pax préfère les ignorer que  rater le rendez-vous de sa carrière … Et dans un sens, il fait bien car l’entretien est concluant.

Dans  l’autre sens, c’est gênant:  Pax apprend qu’Alexandre Winkler,  un jeune résident de son immeuble s’est fait tabasser avec une violence inouïe.

La culpabilité le saisit,  lui qui n’a pas porté assistance à personne en danger

Elle l’étreint, effroyable, lorsque Pax  réalisera que son nouvel amour, Emi  Shimizu n’est autre que la mère d’Alexandre…..

L’enjeu sera dès lors de voir comment gérer sa culpabilité … et la relation avec  les deux protagonistes qui s’attachent à lui …

Avec une puissance d’introspection remarquable,  Valérie Tong Cuong sonde les affres de conscience et de souffrances de chaque membre de ce trio fortuit.  Elle nous invite à réfléchir sur les lâchetés, dénis  et omissions qui pourrissent parfois notre vie quotidienne,  notre dignité. Mais également sur la solitude, la difficile reconnexion avec la réalité qu’endurent les victimes d’agressions gratuites.

Une lecture recommandée

Apolline Elter

Les guerres intérieures, Valérie Tong Cuong, roman, Ed JC Lattès, août 2019, 240 pp

                         Billet de faveur

AE :  Centré sur la culpabilité de Pax et son absence d’intervention dans l’agression d’Alexis,  le roman réfléchit également le sentiment de  culpabilité qui peut saisir la  victime d’une violence apparemment gratuite : qu’a-t-elle fait pour attirer l’attention sur elle ?  Ce sentiment rend encore plus ardue la reconquête de la confiance en soi :

Valérie Tong Cuong : Dans le cas de ce jeune homme, Alexis, ce sentiment est surtout lié au fait que l’agression semble gratuite (on ne lui a rien volé, il n’a pas d’ennemi connu). Son sentiment de culpabilité, c’est sa manière de chercher une explication. Pour lui, cela doit être de sa faute, il doit avoir provoqué cela, sinon, cela signifie que le monde qu’il croyait organisé, équilibré, ne répond plus à aucune logique. Mais en effet, le corollaire est une immense vulnérabilité et une grande difficulté à retrouver confiance en lui et aller de l’avant. Car si cela s’est produit une fois, pourquoi cela ne se reproduirait-il pas encore ?

AE :  « Pax »  Monnier porte un prénom de paix. Une paix que chacun des protagonistes croit obtenir en endiguant ses émotions.   Une attitude qui favorise, au contraire, les  « guerres intérieures » :

Valérie Tong Cuong : chacun des personnages est englué dans un dilemme, entre le combat qu’il doit mener pour survivre à sa culpabilité et aux événements passés, et volonté de protéger les êtres aimés. Chacun vit donc seul ses tourments. C’est particulièrement intense dans le cas de Pax, sur qui l’étau se resserre chaque jour : s’il parle et confie son rôle dans l’histoire d’Alexis à la femme qu’il aime, il soulagera sa conscience, mais il créera une souffrance immense, car elle devra alors affronter l’idée que l’homme dont elle est tombée amoureuse, qui partage son lit, est partiellement responsable de l’état terrible de son fils. Mais se taire, c’est vivre pour toujours dans le mensonge, donc d’une certaine façon la trahir et bien sûr, trahir Alexis…

 

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *