Sa dernière chance

« De plus en plus, il avait l’impression déroutante qu’ils ne jouaient pas dans la même pièce »

Voilà précisément le coeur battant du denier « Armel Job » : ses cinq protagonistes, Elise, Marie-Rose, Edouard, Pierre et Félix nourrissent chacun des desseins  – voire un destin – assez peu compatibles avec ceux des autres…

Partant, ils avancent, masqués, sur l’échiquier de leurs relations, offrant à la progression de l’intrigue ce tour addictif dont l’écrivain a le secret.

Mais encore.

Gravitant dans le milieu un peu coincé d’une certaine bourgeoisie de province, Elise Dubois, 39 ans, garde les quatre enfants de sa soeur Marie-Rose, gynécologue et épouse d’agent immobilier. J’ai nommé Edouard Gayet.

Elle fait fonction de gouvernante, blanchie, nourrie, corvéable à merci

Une mouche la pique – o my god!  – qui la pousse à s’inscrire sur un site virtuel de rencontres. Catholique, cela va sans dire. Et la précipite dans les bras de l’antiquaire Pierre Fauvol ..  soupçonné d’être un vrai arnaqueur.

Les voix du Seigneur sont impénétrables ; les chemins qu’emprunte l’écrivain également.

Ce qui paraît certain, c’est que chacun des personnages du roman abat la carte de …sa dernière chance.

Je vous laisse le soin de la deviner

Apolline Elter

Sa dernière chance, Armel Job, roman, Ed. Robert Laffont, février 2021, 336 pp

Billet de faveur

AE :   Les fils Gayet sont prénommés Marc, Luc et Mathieu, à l’instar des trois évangélistes, leur petite sœur, Marie… et leur Elise trône au milieu du sillage.  Les protagonistes ne se comportent cependant pas de façon très …catholique. A commencer par le chanoine Grimaux sensible aux charmes Julia Blanmont.   Vous fustigez de la sorte une certaine mauvaise foi… :

Armel Job : Je n’écris pas mes romans pour juger mes personnages. Je ne veux pas passer pour un moraliste qui distribuerait des bons points à tel personnage et des mauvais à tel autre. Je suis un simple observateur de société. Je choisis un échantillon de personnages et je les mets sous le microscope du roman, c’est-à-dire que j’essaie de décrire au mieux la manière dont ils vivent, comment ils agissent, ce qu’ils pensent, ce qu’ils ressentent. De ce fait, mes personnages, comme tous les êtres humains, m’apparaissent et apparaîtront au lecteur avec des qualités et des défauts.

S’agissant du chanoine, il n’est pas question pour moi de dénoncer son comportement, mais seulement de le faire voir et d’essayer de le comprendre. En l’occurrence, on a affaire à un homme qui a certainement été un bon pasteur dans la première partie de sa vie lorsqu’ils était un simple curé de campagne. Il est passé du réconfort chrétien qu’il apportait à Mme Blanmont à l’amour. N’est-ce pas tout simplement humain ? Éloigné de sa charge pastorale pour exercer une fonction administrative au service du patrimoine matériel de l’Église, il devient la proie de la passion qu’il se découvre pour les œuvres d’art. Il trahit sa vocation, c’est sûr, mais parce qu’il a été mis dans une situation propice à cette trahison par l’institution elle-même, qui possède de grands biens et doit les gérer. Si l’Église avait conservé la pauvreté de son fondateur, dont il est dit qu’il n’avait même pas une pierre où reposer sa tête (Math, 8, 20), l’abbé Grimaux n’aurait pas été exposé à cette convoitise.

Qu’il y ait de la mauvaise foi chez le chanoine quand il organise la relation entre Élise et Fauvol sous prétexte de procurer un salutaire mariage chrétien à Fauvol, alors que son intention est d’abord de mettre l’argent d’Élise à la disposition de Fauvol pour l’achat du tableau qu’il convoite, c’est évident. Que Marie-Rose réduise sa sœur en gouvernante de ses enfants sous couleur de la protéger des dangers de la vie en société, c’est évident. Qu’Élise elle-même jette de la poudre aux yeux de Fauvol, c’est évident. Tout le monde manipule tout le monde et cela n’a rien à voir avec telle classe sociale. On manipule aussi bien chez les bourgeois que chez les prolétaires. Tout simplement parce que cela fait partie de la nature humaine. Les humains vivent en société, donc en relation avec les autres humains qu’ils ont tendance à mettre sous leur coupe au nom du principe le plus fondamental de tout humain : l’égoïsme. Bien entendu, dès que nous en sommes conscients, nous cherchons à réprimer ces tristes comportements. Mais y parvenons-nous toujours ?

 

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