Soyez prévenus: c’est une lecture / audition dont vous ne sortirez pas indemnes.
Et c’est tant mieux.
Centré sur « Ben », activiste au coeur empli de rage et d’espoir, décliné sur deux périodes de sa vie – la vingtaine, la trentaine- le roman cible et dénonce la maltraitance d’enfants, sournoise, larvée en France, victime de la déportation en Russie
Le massacre des innocents?
Il y a de cela
Dans la première partie, Ben traverse la France pour retrouver Jimmy, son demi-frère, soustrait à la garde d’un père alcoolique, maladroitement aimant.
Il rencontre Anna, Lise, mère d’accueil et les diktats absurdes qui régissent parfois l’ASE (Aide sociale à l’enfance)
Il découvre cette violence borgne, larvée qui donne aux enfants assistés peu de chances de s’en sortir dans la vie. D’autant qu’à 18 ans, ils sont jetés dans le monde sans y être convenablement préparés
Ben s’emploiera à créer un organe-passerelle pour pallier cette indispensable transition
On le retrouve quelque dix ans plus tard, dans la seconde partie du roman: Nous sommes en 2022 , Ben a environ 33 ans -âge christique s’il en est – et saute dans un car à destination de Kherson, en Ukraine
Il y découvre, sidéré, la déportation massive de jeunes enfants et même de nouveaux-nés, opérée par Poutine et son administration de guerre.
« Pour Poutine, le territoire, c’est l’enfant »
La maltraitance se produit quasiment à ciel ouvert
Investi dans la cause ukrainienne, prêt à lui sacrifier sa vie, Ben se donne pour mission de sauver Maya, une adorable fillette de 3 ans, de sauver l’enfance, son innocence, sa foi dans le monde adulte, de dénoncer à corps torturé et à cris une tragédie humaine méconnue de la plupart des Occidentaux.
Certaines descriptions sont sidérantes, difficilement soutenables
A noter que la lecture audiolivresque qu’en opère Véronique Olmi est tout simplement magistrale, épousant le rythme vif de la narration et sa sobriété véritablement bouleversante
Une lecture indispensable
Apolline Elter
Le courage des Innocents, Véronique Olmi, roman, Ed Albin Michel, août 2024, 288 pp – Ed Audiolib, août 2024 – texte intégral lu par l’auteur – durée d’écoute 6h 36 min
Billet de ferveur
AE : Votre roman, Véronique Olmi, est politique en ce qu’il dénonce- vibre d’une urgence de révéler – des situations inacceptables, sorte de non-assistance à enfants en danger, en France, déportation massive de ceux-ci, d’Ukraine en Russie. Quel a été l’élément déclencheur de votre indignation ?
Véronique Olmi : Mon précédent roman « Le gosse » racontait l’histoire dans les années 30, en France, d’un petit garçon confié à l’assistance publique, et qui passait par les placements, la prison et le bagne… pour s’en délivrer, fort heureusement. Lors de signatures en librairies j’ai eu beaucoup de témoignages de personnes qui avaient été placées ou dont un membre de la famille avait été placée et à chaque fois j’étais saisie par la honte et la douleur qui entouraient ces témoignages. Je me suis demandé quel héritage l’Assistance publique puis la DDASS avaient laissé à ce qui se nomme aujourd’hui l’ASE l’Aide Sociale à l’Enfance et je suis allée plusieurs mois durant au tribunal pour enfants de Nanterre et j’ai également assisté aux audiences dans le bureau de la Juge des Enfants. Au même moment la guerre en Ukraine faisait rage. Voici l’origine du roman.
AE « Le courage des Innocents » : qu’entendez-vous par ce titre ?
Véronique Olmi : L’entêtement à vivre. La soif d’altérité. La dignité aussi.
AE Ben a un côté “tête brûlée », voire victime expiatoire ; il aime Anna, Jimmy, la vie, pourtant :
Pourtant ? Je ne comprends pas la question … Vous suggérez qu’être une « tête brûlée’ empêche d’aimer ? Ben est un être qui aime l’autre, profondément, qui croit en lui, et lutte avec une liberté qui est loin des codes ou des cadres conventionnels . Il est le veilleur… la conscience et l’amour.