Renaître

 » (…) je sais que la musique est le verbe venu au coeur de chacun pour dire le paradis qu’il nous incombe- à elle, à nous, à chacun- de construire, ici et maintenant » 

Si la musique est le coeur battant, salutaire, salvateur de la vie d’Hélène Grimaud, pianiste virtuose, mondialement connue, elle participe d’une intelligence à la vie, au monde, que dis-je, au cosmos qui est tout simplement sidérante.

Se prêtant avec sérieux, honnêteté et une profondeur abyssale aux questions existentielles que lui propose Stéphane Barsacq, journaliste, écrivain, éditeur, ami, grand et fin connaisseur de son parcours, Hélène Grimaud dévoile le fil conducteur de sa vie et les liens entre ses différents engagements et passions.

« Enfant épuisante », avide de découvertes, de connaissances, la jeune Hélène voit canaliser son trop plein d’énergie dans l’apprentissage de la musique.

Avec le succès qu’on lui connaît.

Pour autant, elle ne se considère pas « prodige » mais  travailleuse acharnée

Son rapport avec la Nature, sa vision écoféministe de l’action humaine, ses combats pour la protection des loups; des  mustangs,  son amour des chiens,  des Etats-Unis, de la philosophie, .. sont tant de pans d’une même construction identitaire, d’une re-naissance consentie à soi-même.  Et un hommage à la beauté du monde- à la Vie – qu’elle se donne mission de dévoiler, en tant qu’artiste.

Vous l’aurez compris, la lecture de ces entretiens de toute puissante facture est particulièrement exaltante.

Elle vaut retraite spirituelle

Que je vous conseille ardemment

Apolline Elter

Renaître, Hélène Grimaud et Stéphane Barsacq, entretiens, Ed Albin Michel, octobre 2023, 240 pp

Billet de ferveur- Entretien avec Stéphane Barsacq

 AE :  Le jeu des questions et réponses révèle l’harmonie amicale qui existe entre Hélène Grimaud et vous.  A quelle occasion avez-vous fait connaissance ?

Stéphane Barsacq : J’ai rencontré Hélène Grimaud voilà si longtemps dans ma vie que j’ai l’impression de la connaître depuis toujours. N’est-ce pas toujours le cas avec ceux avec lesquels on entre en consonnance, au sens musical ? On les connaît depuis une minute et cela fait une éternité, comme à l’inverse, on peut les connaître depuis des années, et avoir le sentiment que c’était il y a quelques secondes, et que l’émerveillement est inentamé. Pour moi, j’ai connu Hélène Grimaud en rapport avec son activité de musicienne, mais aussi d’éthologue. Elle allait fonder le « Woolf Conservation Center » dans l’Etat de New-York. Son originalité m’a enthousiasmé. Elle ressemblait à un être surnaturel, tout en étant parfaitement terrestre : je m’en suis rendu compte quand je l’ai vue jouer avec les loups !

AE :  Vous exprimez le côté « vivifiant » du contact avec elle. Encore faut-il poser les bonnes questions.

Stéphane Barsacq : Hélène Grimaud est une femme dont le voltage est plus élevé que la moyenne, car elle est toujours en passion : ce qui fait d’elle une femme qui n’a pas abdiqué son enfance. Elle est toujours sur le départ. Elle cherche ce qui sera l’occasion d’une joie. Avec les années, nous avons beaucoup parlé, de tout et de rien, comme tout le monde. A quoi s’ajoute que, pour moi, l’écouter au piano, c’est aussi l’assurance d’un dialogue : je l’entends aussi bien lorsqu’elle discute avec moi que lorsque je prête l’oreille à l’incantation qu’elle fait naître sous ses doigts. Bref, les mots, la musique, mais aussi le silence, tout devient dialogue avec un tel être, quand on prête l’oreille.

Pour ce qui est des questions, ce sont les questions que je me pose moi-même. « Je suis devenu à moi-même question », s’exclamait saint Augustin. « Ne demande pas ton chemin à qui le connaît, mais à celui qui, comme toi, le cherche », ajoutait Edmond Jabès. Tout au long des années, j’ai pris Hélène Grimaud comme une référence. M’intéressait au plus haut point ce qu’elle pensait, ce qu’elle ressentait, ce qu’elle devinait. Elle a été mon guide dans le labyrinthe de notre époque.

AE : Hélène Grimaud parle un français précis, exigeant, élégant alors qu’elle vit aux Etats-Unis.  C’est en soi un exploit.   L’ouvrage paraît(ra)-t-il Outre-Atlantique ?

Stéphane Barsacq : Hélène Grimaud a eu pour parents des professeurs. Elle-même a beaucoup lu les classiques. Son premier livre, Variations sauvages, a été traduit aux Etats-Unis. Il faut savoir que peu d’ouvrages écrits en français sont traduits en Amérique. Dans le cas présent, un éditeur américain a marqué son intérêt. Nous verrons : tout prend du temps. En attendant que les admirateurs de la pianiste se rassurent, s’ils ne peuvent la lire en français, ils peuvent la lire dans de nombreuses langues, comme ils peuvent l’écouter interpréter ses compositeurs de prédilection, car telle est la supériorité de la musique sur la littérature, qu’elle est compréhensible par tous, partout.

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