L’inventeur

« Si Augustin Mouchot est un des grands oubliés de la science, ce n’est pas qu’il ait été moins persévérant dans ses explorations, moins brillant dans ses découvertes, c’est que la folie créatrice de ce savant têtu, froid et sévère, s’est acharnée à conquérir le seul royaume qu’aucun homme n’a jamais pu occuper: le soleil. »

Vous l’aurez compris, c’est à la vie d’un ingénieur de génie, j’ai nommé Augustin Mouchot (1825-1912), « Prométhée moderne », injustement tombé dans l’oubli, que va s’attacher ce roman fa-bu-leux,

Je vous le dis c’est mon premier et majeur coup de coeur de la rentrée littéraire.

D’un rythme alerte et allègre, le récit enveloppe toute la vie du savant, depuis sa naissance presque inopinée, à Semur-en-Auxois ( Côte d’Or)  le 7 avril 1825  « au fond d’un sac de burins et verrous » – l’enfant est fils d’un serrurier  – jusqu’à sa mort, misérable, le vendredi 4 octobre 1912, dans le taudis qu’il partage avec sa glauque logeuse, devenue son épouse.

Entre les deux, la passion et la gloire. Le licencié en sciences physiques s’intéresse au soleil, dont il tente de capter, convertir et produire l’énergie au moyen de miroirs. 

De dépôts de brevets en démonstrations publiques – d’aucunes s’avèrent catastrophiques – il parvient à intéresser l’empereur Napoléon III à son invention et à obtenir des subventions pour poursuivre ses expériences et …réflexions  en Algérie.

L’association avec le fougueux Abel Pifre (1852-1928) lui ouvre les portes de la gloire car le jeune ingénieur possède ce sens des relations publiques qui fait cruellement défaut à son aîné.  Elle lui vaut la consécration d’une médaille d’or pour « le plus grand miroir du monde » placé sur le Pavillon algérien lors de l’Exposition universelle de Paris de 1878.

Une consécration qui signe hélas le début de son déclin: le financement de sa nouvelle mission algérienne s’interrompt, les Autorités préférant , sous prétexte d’une meilleur rendement, recourir à l’énergie extraite de la combustion du charbon.  C’est donc un Mouchot amer, diminué et mal voyant qui rentre en France, cédant à son associé la propriété de son brevet….

Avec un talent de conteur hors pair, Miguel Bonnefoy rend au génie de « L’inventeur »,  au précurseur des panneaux photovoltaïques et  de la politique énergétique actuelle, la part solaire qui est la sienne.

Un récit promis à de légitimes distinctions.

Apolline Elter

L’inventeur, Miguel Bonnefoiy, roman, Ed. Payot & Rivages, août 2022, 208 pp

Billet de ferveur 

AE : une question, une seule, Miguel Bonnefoy : comment avez-vous découvert l’existence d’Augustin Mouchot ?  

Miguel Bonnefoy :J’ai découvert l’existence de ce personnage en regardant un documentaire sur l’astrophysique, plus précisément dans une série-doc appelée Cosmos, lors de l’épisode consacré au soleil. Le présentateur, entre deux virgules, a évoqué un certain Augustin Mouchot, un scientifique oublié qui était parvenu à fabriquer de la glace avec du chaud. J’ai trouvé l’idée si belle, si folle, si merveilleuse et délirante, que j’ai souhaité creuser l’histoire perdue de cet homme. J’y ai découvert un inventeur sans intérêt dont la vie avait été fascinante, un homme que rien ne prédestinait à de grandes choses et qui ,pourtant, en fit d’immenses, un homme pleins d’oxymores, de contradictions et de paradoxes. En somme, un personnage de roman. Dans la science, les grandes découvertes se font souvent par hasard…visiblement, en littérature aussi. 

 

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *