Tempêtes et brouillards

« J’ignorais quelle part de moi s’obstinait à pénétrer dans l’écriture, quelle part m’en empêchait. »

Surprise par la résolution de son père de s’installer au Maroc, se convertir à l’Islam et se marier à la très jeune Asma, la narratrice voit resurgir en elle les fantômes du passé: le départ de sa mère quand elle avait 6 ans,  le dressage de ses frères par un père cruel et l’attitude ambiguë de ce dernier à son égard ,  tous spectres qui entravent leur relation actuelle. D’autant que Jean-Pierre as Medhi as Midhou décide de déshériter ses enfants.

Une catharsis: l’écriture; mais elle n’y parvient pas

Convoquant la Littérature et surtout Le Roi Lear de Shakespeare, tragédie dont la trame présente de nombreuses similitudes avec sa situation, la narratrice nous offre une plongée psychologique d’une rare et subtile introspection.

Une réflexion de haut vol  également, sur la mort et le sens du pardon.

« Le pardon, ça prend du temps, me dit le prêtre. Ce que votre père vous a fait, c’est réel, personne ne pourra jamais l’effacer. On ne peut pas changer ce qui a eu lieu. Mais, avec le temps, peu à peu, vous apprendrez à voir que votre père n’était pas uniquement ce qu’il vous a fait. Vous apprendrez à voir que sa personne se composait d’autres choses. Alors, peu à peu, le pardon adviendra. »

Et quelle écriture: les termes, les images sont choisis, éloquents, subtils et raffinés.

Vous l’aurez compris, cette lecture est un coup de coeur.

Je vous la recommande

Apolline Elter

Tempêtes et brouillards, Caroline Dorka-Fenech, roman, Editions de la Martinière, janvier 2023, 240 pp

Billet de faveur

AE : à la lecture première et riche du roman s’adjoint une poignante lecture en filigranes. Celle des rapports à la tragédie de Shakespeare , Oren qui fait fonction d’oracle, de révélateur,  et le très attachant portrait d’Asma, la jeune épousée de Jean-Pierre, qui pourrait être sa fille. Une âme dévouée, juste et vraie, si mal perçue par la narratrice. Asma, n’est-elle pas, pour une part, la Cordelia du Roi Lear, celle qui aime sans rien exiger de retour ?

Caroline Dorka-Fenech : Asma peut être perçue comme une figure sacrificielle, peut-être, et en ce sens elle est effectivement « la douce », comme Cordélia. Mais elle est aussi celle qui aime ainsi que le patriarche le lui demande, en s’oubliant elle-même, en obéissant à une injonction, et son sort possède également sa part tragique. 

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