Ella Maillart, l’intrépide femme du globe

 » Vous savez que je vous tiens pour la femme la plus remarquable entre toutes nos contemporaines » écrit Alexandra David-Néel, la célèbre exploratrice à l’attention d’Ella Maillart, en date du  29 octobre 1948

Et  l’aventurière si chère à notre site d’insister:   » Ce ne sont pas de vains mots. Nous sommes l’une et l’autre faites du même bois et je suis capable de comprendre et d’apprécier ce que vous avez fait. Votre vie a été magnifique.»

Il n’y a pas de meilleure invitation, vous l’aurez compris, à découvrir la passionnante biographie que Gwénaëlle Abolivier consacre à l’alter ego suisse de  « la femme aux semelles de vent »

Née à Genève, le 20 février 1903, Ella Maillart pallie une constitution chétive, affectée d’insuffisance respiratoire et d’allergies alimentaires, par une pratique intensive du sport et ce, à haut niveau : hockey sur gazon; ski, marche, alpinisme, aviron, voile … Elle y est encouragée, dès son plus jeune âge par sa mère, Marie Dagmar Kliim (1874-1957) une sportive danoise. Ella participe aux JO de Paris, en 1924, en tant que régatière.

Ella pallie aussi la relative solitude de son enfance – son frère Albert a six ans de plus qu’elle – en s’adonnant à la lecture, à la passion des romans d’aventure.

Son amitié à vie avec « Miette », alias Hermine de Saussure dont la famille possède une propriété au Creux de Genthod, au bord du Lac Léman – où les Maillart passent leurs vacances d’été – lui donne dès dix ans, le goût de la voile, de la mer et partant, de l’indépendance. Une indépendance fortement encouragée par sa …mère.

Ella ne veut pas d’une vie ordinaire, d’une vie sédentaire.

Curieuse du monde, du globe, elle veut capter le réel, de prises photographiques avec son Leica, le consigner de notes dans ses carnets, lettres, articles et ouvrages. Elle veut rencontrer les populations nomades et autres dans leur authenticité et glaner, qui sait, le secret du bonheur, ou en tout cas, de l’harmonie.

Le pli est pris pour les quatre expéditions d’envergure que l’exploratrice entreprend, avec dès 1925, la sorte de mise en bouche que constitue la navigation à la voile jusqu’en Crête, pour six semaines de fouilles archéologiques

En 1930, Ella conquiert la Russie, en pleine mutation soviétique, traverse le Caucase avec un groupe de jeunes et en consignera les étapes dans son premier ouvrage Parmi la jeunesse russe. De Moscou au Caucase (Fasquelle,1932)

« Mes premières impressions furent très vives [ … ]. Je ne savais rien du marxisme et du léninisme; je savais seulement que les Russes avaient pour ambition d’éviter les fautes du système capitaliste »   (Croisières & Caravanes)

En 1932, elle parcourt le Turkestan russe.

« Le Turkestan et l’Asie centrale exerçaient  sur moi un attrait invincible , inspiré par mes lectures. Aller vivre parmi les nomades et  devenir un enfant de la nature, quelle joie! » Croisières et caravanes 

En 1935, elle relie Pékin au Cachemire, par voie de terre, soit 6000 kms en sept mois, aux côtés de Peter Fleming, journaliste auprès du Times, baroudeur, figure qui inspira celle de James Bond, créée par son frère Ian Fleming.  Un véritable exploit.

Juin 1939 la voit partir en Irak, avec la Zurichoise Annemarie Schwarzenbach pour un voyage qui se muera en voyage intérieur, avec une retraite spirituelle et existentielle de quelques années en Inde pour Ella qui rechigne à regagner l’Europe dévastée par la guerre.

Elle découvre en 1946 le joli village de Chandolin, perché à 2000 mètres dans le val d’Anniviers, s’y sent bien et se fait construire un chalet en mélèze, qu’elle baptise Atchala et dont la vue donne sur le Cervin.

Elle y résidera quelque cinq décennies printanières et estivales, « de la dernière à la première neige » coupant cet ancrage de voyages lointains, conférences, découvertes culturelles, jusqu’à un âge avancé.

Elle s’éteint, à Chandolin, le 27 mars 1997 à l’âge de 94 ans

Je vous conseille instamment de découvrir la biographie richement illustrée que lui consacre Gwenaëlle Abolivier.

Apolline Elter

Ella Maillart, l’intrépide femme du globeGwenaëlle Abolivier, biographie/beau livre, Ed Paulsen, novembre 2023, 240 pp,

Billet de faveur

AE :  Vous avez publié en 2012 un ouvrage intitulé Alexandra David-Néel, Une exploratrice sur le toit du monde (Editions A dos d’Ane). Est-ce par le biais de cette grande exploratrice que vous avez découvert Ella Maillart ? 

Gwenaëlle Abolivier : J’ai découvert les deux exploratrices quasi en même temps, quand j’ai commencé moi-même à beaucoup voyager en tant que reporter pour France Inter, France Culture et la RTS. Quand on commence à s’intéresser à l’une de ces femmes exceptionnelles, on tombe presqu’automatiquement sur l’autre car toutes deux  » sont faites du même bois », comme le disait Alexandra David Neel. Par delà, la différence d’âge, elles s’étaient liées d’amitié et se passionnaient pour les mêmes sujets.

AE : Ella Maillart écrivait beaucoup de lettres. Elle a correspondu avec Alexandra David-Néel, Nicolas Bouvier, Alain Gerbault A mon sens, seule les lettres envoyées à ses parents ont été publiées à ce jour*. Pouvons-nous espérer d’autres publications ? 

Gwenaëlle Abolivier : Dans les archives dorment encore des trésors ! Reste à savoir si les éditeurs, qui sont nombreux à s’intéresser à cette femme d’exception, seront intéressés à les publier. 

*Cette réalité que j’ai pourchassée, Lettres à ses parents, Ella Maillart, lettres précédées d’un avant-propos d’Olivier Bauer, Ed Zoé poche, octobre 2021, 256 pp

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