Frappé d’amour, d’humour, de loufoquerie et … du Grand Prix de l’Académie française –  Bravissimo –  le roman de François-Henri Désérable relève de la gastronomie littéraire.

Les références livresques, clins d’yeux (oeil? ) y sont légion, à commencer par cet hommage rendu, dès le titre  à Paul Verlaine et son poème, extrait des Chansons pour elle (1891)   » Es-tu brune ou blonde? « , 

 Est-il sensible ou moqueur,

   Ton cœur ?

   Je n’en sais rien, mais je rends grâce à la nature

   D’avoir fait de ton cœur mon maître et mon vainqueur 

L’action, si j’ose dire, se déroule dans le bureau d’un juge d’instruction – clin d’oeil à Tanguy Viel et son Article 353 du Code pénal (Ed. de Minuit, 2017 – chronique sur votre site préféré) , voire, ce n’est pas …impossible, au roman éponyme d’Erri de Luca – Le narrateur et témoin y  est convoqué pour répondre du crime – ne nous emballons pas – de son ami Vasco – et des amours …impossibles nouées envers Tina.

« Elle n’était pas du tout son genre; il n’avait jamais été le sien. Ils n’avaient rien pour se plaire ; ils se plurent pourtant, s’aimèrent, souffrirent de s’être aimés, se désaimèrent, souffrirent de s’être désaimés, se retrouvèrent. »

Le problème est que la Tina aime aussi Edgar, d’un amour raisonnable, raisonné, qu’il est le père de ses jumeaux-  Arthur et Paul … mais nooooon –   et que le couple doit se marier.

Le problème est que Vasco s’est procuré, à prix fou, le revolver historique et tristement célèbre que pointa Paul Verlaine contre son amant Arthur Rimbaud

Tout cela n’est pas bien raisonnable, c’est même passionnel et ce qui doit arriver…. va peut-être advenir.

Adjoint d’un aimable et lettré greffier, le juge tente de faire le lien entre les pièces à conviction :  le révolver incriminé et un cahier de poèmes de haute facture 

L’ami, témoin, raconte Vasco, raconte Tina et sa parole est frappée d’érudition, de drôlerie et d’un souffle… d’écriture imparables, subtil mariage de trivial et sublime.

L’Académie française a décidément frappé le juste prix

Apolline Elter

Mon maître et mon vainqueur, François-Henri Désérable, roman, Ed. Gallimard, août 2021, 192 pp

Billet de faveur

AE :  Une question, une seule, cher François-Henri Désérable :  le titre du roman est emprunté au poème de Paul Verlaine, Es-tu brune ou blonde ?  (Chansons pour elle (1891)). Or il se fait que Tina est rousse…

François-Henri Désérable : J’aimerais vous dire qu’il s’agit d’un clin d’oeil au poème de Verlaine, or non, pas du tout : pendant toute l’écriture de ce roman, Tina était une brune aux yeux bleus, et ça n’est que quelques jours avant de mettre sous presse qu’elle est devenue une rousse aux yeux verts parce que mon éditeur trouvait qu’elle était, du moins physiquement, trop proche de la personne qui l’a inspirée.