Premier sang

« Il n’existe pas, je crois, d’exemples historiques de groupements humains dont la rhubarbe fut la seule alimentation, en dehors des enfants du Pont d’Oye, les étés de guerre. »

Il n’existe pas davantage de rentrée littéraire

Sans la présence, sur les étals des libraires

D’une publication 

D’Amélie Nothomb

Et s’il est vrai que nous amorçons chaque année le ballet des chroniques de la rentrée, le baptême du nouveau-né de notre célèbre compatriote, il l’est encore davantage de d’affirmer que ce dernier est des plus aimables.

Un coup de cœur.

Rédigé à la première personne, le récit prête voix ,offre plume à Patrick Nothomb (1936-2020),  le père  d’Amélie, décédé à l’entame du premier confinement, le 17 mars 2020.

Meurtrie de n’avoir pu assister aux obsèques de son père, la romancière tente de se reconnecter à lui – c’est son expression – par le conte – il en a la forme – de sa prime enfance et d’une jeunesse frappée d’héroïsme

Orphelin de père à l’âge de huit mois,  « Paddy »  est élevé par ses grands-parents maternels, suppléant de la sorte  une jeune maman dévastée par le chagrin.

La douillette tendresse dont il est entouré ne pallie pas la solitude qui l’accable.

Aussi, le jeune enfant découvre-t-il avec joie, lors de longs séjours au château du Pont*d’Oye,  la vaste et barbare fratrie de feu son père..

Il est l’exact contemporain du dernier-né de la famille – le treizième – un certain Charles.  Vous aurez reconnu Charles-Ferdinand Nothomb

La guerre ne justifie pas à elle seule les conditions de vie, effroyables  d’austérité; de faim, de froid, de sauvagerie, qui régissent la vie des Nothomb: ill en va également d’un principe éducatif, dicté par le patriarche Pierre Nothomb, poète et un peu avocat à ses heures.

 » Si je voulais survivre aux deux mois qui m’attendaient, il allait falloir transformer ma douce constitution en armure. »

Mais

« Il ne faut pas sous-estimer la rage de survivre »

Patrick aime la vie au Pont d’Oye. L »a-t-elle prédestiné au futur exercice de la diplomatie?

Cette expérience de vie lui sera des plus précieuses, lorsque, en 1964,  tout frais nommé Consul général de Belgique, en ex-Congo, i Patrick Nothomb devra des mois durant, négocier avec les rebelles de Stanleyville, la survie des nombreux orages retenus avec lui. Il s’agit là de la plus grande prise d’otages du XXe siècle.

« Il ne fallait jamais laisser le silence s’installer durant les palabres. Si je me taisais et si les autres se taisaient aussi, le démon de la gâchette se réveillait presque aussitôt. D’un naturel plutôt taciturne, j’appris à devenir un moulin à paroles. J’étais le nouveau Shéhérazade : de mon aptitude à parler dépendait la vie de mes compatriotes. »

Un hommage filial à la mesure d’un grand homme

Apolline Elter

Premier sang, Amélie Nothomb, roman, Edition Albin Michel, août 2021 180 pp

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