Céleste et Marcel. Un amour de Proust

«  »Marcel a quarante-six ans, j’en ai vingt-six, il m’a fait entrer en clandestine dans son univers, et recrée pour moi les heures folles, en dépit des bombes, incognito, il se glisse dans l’hôtel de la rue de l’Arcade où des notables, comme le baron de Charlus, cherchent la douleur et l’humiliation. Je l’attends dans l’angoisse. La nuit l’a pris et le ramène. Nous nous retrouvons au petit matin, oubliant la guerre. Mon vœu et mon espérance, ce n’est pas de le garder souffrant dans la chambre pour être la seule à partager ses jours, ses nuits, et veiller sur lui comme Mme Proust, mais satisfaire ses demandes, et le garder en bonne santé. Qu’il accomplisse ce qui le tient debout : son œuvre. « 

Entrée en 1914  au service de Marcel Proust, la jeune Augustine Célestine Gineste, as Céleste Albaret  (1891-1984) – fraîchement mariée à Odilon Albaret –   ne quittera le célèbre écrivain que lorsque ce dernier aura émis son dernier souffle, le 18 novembre 1922.

Gouvernante,  « courrière », témoin privilégiée des dernières années de Marcel et de sa santé déclinante, Céleste  devient rapidement son assistante, celle qui transcrit, sous sa dictée, certains passages de La Recherche. Elle est d’un dévouement sans faille, inouï, fascinée par les confidences, le génie de son maître.

« Quand on demandait à Céleste si son dévouement n’était pas plutôt de la dépendance, Proust étant terriblement exigeant, elle répondait qu’elle ne vivait pas sous son emprise. Qu’il s’agissait d’un charme plutôt, comme dans les contes orientaux, et les grands contes d’amour et de mort médiévaux. »

D’aucuns leur prêtent un amour  – platonique; il est du moins certain que leur relation fut intense, privilégiée et que le prisme de la narration, la polyphonie adoptée par le roman, offre un éclairage intéressant sur le quotidien de l’écrivain, le déroulé de sa vie et une quête existentielle accélérée par un sentiment d’urgence sanitaire :  Proust veut achever sa Cathédrale avant de mourir.

A Elter

Céleste et Marcel. Un amour de Proust, Jocelyne Sauvard, roman, Ed. du Rocher, avril 2021, 336 pp

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