L’ombre portée

« La messe est dite et vous pouvez vous retirer, Hermine. J’ai enfin compris. Ce n’est pas trop tôt. Vous ne m’avez pas aidé dans ce travail de mise en lumière et je me suis pris les pieds dans mes propres lacets. Vous n’aviez cure du domaine ni de sa reconstruction et je perçois à présent la cause de votre exaspération face à mon entêtement de bâtisseur. »

Intimement liée à son actuel propriétaire, maître-verrier, poète et écrivain, Bernard Tirtiaux , la ferme de Martinrou (Fleurus – Belgique) est le berceau de la « tribu » familiale

Ravagée le 4 septembre 1944  par trois heures d’affrontement entre l’armée allemande en retrait et les troupes alliées,  la ferme a été reconstruite pierre par pierre.

Quelques années plus tard,  l’artiste  rachète le domaine  à sa famille   Une ombre en hante les murs qu’il identifie bientôt comme étant celle de sa grand-mère paternelle, Hermine,  une femme de marbre, tragiquement broyée sous les rails d’un tram, fin juin 1949. Il lui adresse alors une sorte de longue lettre, hommage à une femme qu’il n’a pas connue, une femme dure et intègre, avec qui il partage autant de points communs que… de radicales dissemblances.

Bilan de vie et de l’action que le sexagénaire  a accomplie en ce domaine auquel il  appartient,  sorte de testament également, le récit se fait vite investigation: il s’agit de cerner la personne que fut sa grand-mère et la révélation, la trahison tragique qui meurtrit son intégrité . Ce faisant, la délivrer des rails dans lequel gît encore l’ombre de  son corps morcelé par le tram. Cette ombre … portée sur les murs de Martinrou , rivée au  dos de son résident.

Le récit se fait mission

. Fantôme à qui j’aurai voué mon existence, vous n’avez cessé d’encombrer le domaine, d’envahir mon enveloppe temporelle et cela depuis ma venue au monde. Vous m’avez obligé à mettre mes pas dans les vôtres, à relayer auprès des hommes ce cri que votre destin tragique a laissé inexprimé.

Le texte est somptueux, tant il crie de vérité, d’honnêteté, de puissance verbale.

Je vous en recommande vivement la lecture

Apolline Elter

 L’Ombre portée, Bernard Tirtiaux, roman, Ed. JC Lattès, janvier 2019, 208 pp

 

 

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