« Le 8 novembre 2022, jour d’ouverture de l’exposition consacrée à la peintre algérienne Baya, je suis arrivée en retard à l’Institut du monde arabe. Perdue dans mes pensées, j’ai pris mon temps, rallongé le trajet, comme on retarde une évidence, refusant de m’enfermer trop tôt pour la nuit. »
Vous le comprenez d’emblée, l’écrivaine franco-algérienne souscrit à l’invitation d’Alina Gurdiel, conceptrice de la collection « Ma nuit au musée » auprès des éditions Stock, de passer la nuit dans le musée de son choix, seule, confrontée à ses souvenirs et aux oeuvres de l’exposition en cours.
Kaouther Adimi choisit l’Institut du Monde arabe, à Paris et l’exposition consacrée, fin 2022, à la peintre algérienne Baya (1931-1998) souvent ralliée au courant de l’art naïf et du surréalisme (NDLR). Le choix est sensé qui permet à l’autrice de plonger dans ses propres racines algériennes et le retour au pays imposé par son père, le 6 août 1994. L’Algérie est alors en pleines « turbulences », en vraie tragédie, écrasée des assauts de violence du GIA
‘ Quelle histoire faut-il raconter celle des faits ou celle de la mémoire ? ´
Animé d’un sentiment d’obligation vis-à-vis de son pays, qui finance ses études, sa thèse en France, le père de Kaouther impose à sa famille un retour « définitif »:
« Définitif. Mot détesté, contre lequel je viens m’écraser. Mot pour les faibles, haï, contre lequel je me battrai chaque jour. Définitif, c’est la fin des chemins, la fin des détours–donc la fin des possibles. C’est la fatalité, les routes barrées, les issues condamnées. À neuf ans je crierai à mon père : « Un jour, je repartirai, cette guerre ne m’aura pas. » Définitif, tu parles ! »
Les relations d’événements, de souvenirs, se succèdent – dont l’épisode traumatisant du « faux barrage » – vus par le prisme enfantin, réinterprétés par l’auteure à la faveur – et angoisse – de cette nuit solitaire et de la galerie de personnages ralliés par l’exposition. La vie de Baya prend ici pleine lumière.
Une lecture recommandée, parfaitement incarnée par la voix de l’écrivaine dans la version audiolivresque
Apolline Elter
La joie ennemie, Kaouther Adimi, essai, Ed. Stock, coll. »Ma nuit au musée », août 2025, 256 pp – Ed.Audiolib, août 2025, texte intégral lu par l’autrice – Durée d’écoute 4 h 13 minutes