Dix ans avec Alexandra David-Néel

Oh ! combien était-elle diabolique, désarmante et adorable. cette terrible Alexandra. La voilà, maintenant, tassée dans son fauteuil, le regard pétillant de malice. Elle boit par petites gorgées son café au lait. Ses gestes sont toujours très lents et très élégants. Je n’ai jamais vu des mains aussi petites, ni aussi fines que les siennes. De nouveau, je suis assise à ses pieds … comme toujours … pour la réconciliation. Et Alexandra fait du charme …
Dans ce domaine, également, elle excelle … Tous ses rôles, elle les a tenus à la perfection.

Quand elle se rend, le 17 juin 1959, à l’hôtel Sextius d’Aix-en-Provence où réside Alexandra David-Néel (1868-1969),  Marie-Madeleine Peyronnet ignore  que la rencontre va changer drastiquement le cours de sa vie.

La célèbre exploratrice a 90 ans et fait valoir à la jeune et trentenaire  « Pied-Noir »   qu’elle n’en a plus que pour 2 heures à vivre . Mue par son éducation charitable, Marie-Madeleine lui porte assistance; elle restera à ses côtés;, dix ans durant.., réside aujourd’hui encore à Samten Dzong,  le célèbre temple de méditation de Digne-les Bains (Alpes de Haute Provence) . Nous reviendrons bientôt sur le sujet et la relation d’une rencontre haute en couleurs, début avril 2018,  avec Marie-Madeleine Peyronnet,.

Désertée par la robuste « mourante » – Alexandra ne se remet pas du décès, quatre ans auparavant,  d’Aphur Yongden, son fils adoptif – la maison de Samten Dzong, humide, sombre,  lugubre,  offre royaume de choix aux araignées. Ces dernières doivent leur vie sauve – et prolifération – aux convictions bouddhistes de la maîtresse de lieux.  C’est ébahie,  que Marie-Madeleine Peyronnet découvre, le 22 juin 1959,  l’austérité des lieux, entame les premières heures d’une tendre rétention… à perpétuité.

Si elle affiche un caractère bien affirmé, un répondant prompt à plaire à la tyrannique exploratrice, Marie-Madeleine Peyronnet ne lui en est pas moins dévouée à l’extrême, corvéable à merci.  Elle fera TOUT  pour cette femme, d’exception, dont elle admire l’intelligence, subit les coups de sonnette impératifs et incessants. Accablée de rhumatismes, Alexandra ne quitte bientôt plus la station assise, changeant seulement de chaise et de chambre, son « trou »,  pour marquer la nuit.  Elle travaille d’arrache-plume à ses publications – en a encore quatre  en chantier à l’heure de son décès  – assistée en ses recherches exigeantes et pointues par sa  » Tortue » de compagnie.

Surnommée de la sorte, Marie-Madeleine explique, en un passage amusant, l’origine de son sobriquet.

L’occasion de réaliser les côtés facétieux d’Alexandra David-Néel et une auto-dérision qui la porte à se qualifier elle-même de « Hérisson. »..

Invitée à ouvrir, dix jours avant le décès de la centenaire, les valises de ses journaux et correspondance, Marie-Madeleine Peyronnet  en regrette la tardive découverte. Elle lui aurait permis de mieux cerner la part de sensibilité enfouie sous l' »océan d’égoïsme, l’Himalaya de despotisme » qu’Alexandra se complaisait à revendiquer.  Une correspondance dont Marie-Madeleine Peyronnet éditera le volet conjugal pour notre plus grand intérêt. Nous reviendrons encore et souvent sur le sujet.

Une description alerte, vivante et tendre d’une cohabitation peu commune; l’ouvrage est illustré des quelque rares quinze photographies prises durant les dix années passées

A déguster sans modération…

Apolline Elter

  • Dix ans avec Alexandra David-Néel, Marie-Madeleine Peyronnet, récit, (1992) 6e éd. revue et augmentée,  + Ed. Alexandra David-Néel 2013, 240 pp

 

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