Un perdant magnifique

Le perdant, c’est Jacques. Mais il ne se voit pas comme tel. Il regorge d’idées – de grandeur – d’initiatives et de dépenses – faramineuses –  au dam de Maud, sa conjointe, à la stupéfaction fascinée d’Irène et d’Anna, les filles de Maud. Des adolescentes qu’il aime comme ses propres enfants.

« Nous protégeons Jacques, et nous protégeons notre mère de la honte de vivre avec quelqu’un d’aussi irresponsable que lui. »

Partagée entre la gêne de côtoyer un beau-père, si encombrant, sorte de dandy désuet, mégalomane, et la tendresse qu’elle ne peut s’empêcher de lui vouer, Anna, la narratrice, se pose en observatrice de ses frasques et de leurs conséquences sur la vie de famille et c’est aussi drôle que touchant

« Jacques ne se fondait pas dans le paysage, il détonait partout. On ne voyait que lui. »

Et Maud, de vivre perpétuellement traquée par les excentricités de son deuxième mari

« Parfois je pense que notre mère avait choisi d’épouser Jacques parce qu’elle aimait la difficulté, parce que c’était un choix à la mesure de sa propre combativité, de son besoin secret d’en découdre. Elle l’admirait comme elle admirait Napoléon. Elle aimait que la vie de Jacques ressemble à un destin et que ce mariage fasse d’elle une héroïne. »

De ce point de vue, elle en aura pour son argent et ..le fond de sa tirelire

« Parfois, comme Irène, je pensais que notre mère ferait bien de partir. Pas à cause de la carabine, nous avions compris depuis longtemps que Jacques n’était pas Barbe-Bleue. Mais parce que la vie avec lui était aussi difficile qu’une ascension en haute montagne. C’était lui qui inventait à chaque heure le paysage, les parois, les abîmes, les points de vue stupéfiants. Notre mère s’y adaptait, nous aussi. Pourtant quelque chose en lui nous émouvait, au-delà de l’amour qu’il nous portait. Peut-être était-ce justement sa folie. Peut-être était-ce, aussi, son ridicule »

Un roman ma-gni-fi- que

Et une mention pour la superbe lecture qu’en opère la comédienne Rachel Arditi

Apolline Elter

Un perdant magnifique, Florence Seyvos, roman, Ed. de l’Olivier, janvier 2025, 144 pp- Ed Cascades, août 2025, texte intégral lu par Rachel Arditi. Durée d’écoute: 3 h 29 min.

 

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