Luttant contre un burn out – appelez-le « Surchauffe », appelez-le « Spirale », Jade Elmire-Fasquin, trentenaire et cadre dans le groupe hôtelier Arcadie, découvre l’existence d’une île appelée « Sentinelle »
NDLR :L’île existe vraiment , appelée « North Sentinel » et appartient à l’Archipel indien d’Andaman. Sa particularité incroyable, fascinante à souhait – merci Nathan Devers de m’avoir ainsi instruite lors d’un déjeuner partagé, début juillet à Grignan – je vous fais languir …. est que ses habitants – les Sentinelles – n’ont jamais eu de contact avec le reste du monde, avec la civilisation, et ce depuis quelque soixante mille ans.
Reprenons la chronique
« S’ils s’appelaient Sentinelles, c’était précisément parce qu’ils étaient les derniers gardiens de l’innocence humaine. »
Une innocence menacée par le projet immobilier d’un milliardaire indien, Rohan Baylan et son rapprochement avec le groupe Arcadie.
Une chance pour Jade de se créer une nouvelle quête de vie, d’autant que son mariage avec Thomas Fasquin – le faquin – vire » à la colocation toxique »
Prise de fascination, d’obsession pour l’île, sa virginité, Jade consigne ses découvertes, s’attelle à l’écriture d’un roman. Une fascination exacerbée par l’interdiction formelle qu’imposent les Autorités indiennes de s’approcher à moins de cinq kilomètres de l’îe – les habitants n’ont pas d’immunité contre nos maladies – et le comportement assassin des Sentinelles qui trucident toute personne pénétrant le territoire.
Vous l’aurez compris, cette matière est pain bénit pour le philosophe qu’est Nathan Devers
« La Sentinelle n’est rien d’autre qu’un immense miroir où le monde, notre monde, projette ses fantasmes. »
Roman d’apprentissage – pétri, comme du pain, de références littéraires – le texte prend le tour d’une métamorphose – Il y a du Kafka dans l’air
« J’étais moi », écrivais-je sans savoir encore ce que je voulais dire. J’ignorais l’essentiel : ce moi n’était plus la Jade familière mais une autre femme qui émergeait à travers ces mots. Une femme qui, tel un serpent en mue, (…) »
Et celui d’une réflexion universelle:
« Bien sûr, cette mentalité est « scientifiquement fausse ». Mais aucune certitude, si effroyable soit-elle, n’abolira jamais la beauté du poème que leur destin nous offre. Depuis les origines, ils se contentent de rester les gardiens d’une île-monde au milieu d’un océan où grouillent les menaces. Leur exemple ne recèle-t‑il pas une autre vérité, supérieure aux calculs de nos laboratoires : la sagesse »
Qui n’est pas sans danger – Il en va de notre responsabilité individuelle. Thème qui parcourt largement les chapitres.
« Nous aussi, nous sommes des Sentinelles. Nous jouons sur des craintes souvent fantasmatiques et ignorons les dangers qui nous guettent. Plus notre société se montre tétanisée par des menaces extérieures–la Russie, le climat, les S guerres, la supposée « submersion migratoire »–, moins elle s’aperçoit que notre démocratie brûle de l’intérieur. « Nous sommes des Sentinelles », la formule fait mouche. »
Et ouvre la voie à une prise de conscience existentielle et planétaire
Apolline Elter
Surchauffe, Nathan Devers, roman, Ed. Albin Michel, août 2025, 336 pp