Quatre jours sans ma mère

 » (…)Je renifle mon coussin, qui garde encore un peu du parfum mandarine de ma mère. Elle est où? Si elle ne revient pas, qu’est-ce qu’on deviendra? Je remonte mon col roulé jusqu’au front. Et je pleure, accroupi au pied du lit. C’est la première épreuve de ma vie. Je découvre, à trente-six ans, comment l’inquiétude peut torturer un corps. La boule au ventre, qui étrangle et soumet l’estomac. La tête devenue si lourde qu’on aimerait la dévisser. Les muscles qui se glacent. Pleurer. Avant cette nuit, je n’avais jamais goûté à ça de l’intérieur. Aucun deuil, aucune maladie, pas d’accident. J’ai déjà compati pour des copains de la Caverne ensevelis sous les emmerdes, mais , grif je n’ai jamais porté de fardeau qui me donne envie de vomir mon cœur. Jusqu’à cette nuit, le Malheur avait sauté une génération de Gammoudi et je n’y voyais que justice. Le destin les avait fait casquer au-delà des montants raisonnables. »

Quand Hédi et Salmane réalisent qu’Amani, leur épouse et mère, soixante-sept ans, a déserté le foyer – elle s’est évaporée – ils se sentent dévastés d’un vrai tsunami.

Emigrés d’origine tunisienne, Hédi et Amani forment un couple uni, heureux de vivre, depuis 1978, dans la tour Hirondelle de la cité HLM de la Caverne, avec leur fils âgé de trente-six ans, lequel n’a pas encore pris son envol d’une chambre décorée de Schtroumpfs et vivote de petits boulots au sein de la cité. Une sorte de Tanguy, en somme.

Pour Hédi, la situation est inacceptable, scandaleuse infraction des « codes tacites » qui régissent leur union. Il entre dans une rage vengeresse

 « Moins de vingt-quatre heures de doute ont suffi au vieux pour condamner son couple »

Le fils, narrateur de surcroît, ne voit – heureusement- pas les choses de la même façon et tente de comprendre les raisons qui ont poussé sa mère à cette provisoire désertion. Se dessine alors un portrait en creux de l’absente, pétri de tendresse, d’humour et même d’amour.

Salmane se pose ainsi en observateur amusé du couple de ses parents, du « sous-fils » qu’il est, lui qui n’a jamais perçu la souffrance de sa mère, son entrée progressive en transparence.

En enquêteur aussi, car il s’agit de découvrir l’endroit où Amani s’est refugiée

De (ré)concilier ses parents avec eux-mêmes mais aussi leurs origines

De percer partant la bulle de secrets enfouis

« Il fallait un traitement de choc »

Sous le couvert d’un récit drôle, parfois loufoque, pétri d’images et de métaphores créatives, Ramsès Kefi signe un premier roman de tout haut vol et de puissantes réflexions.

Dont je vous conseille instamment la découverte

Un vrai coup de coeur

Apolline

Quatre jours sans ma mère, Ramsès Kefi, roman, Ed. Philippe Rey, août 2025,  208 pp

 

 

 

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