« Après, il y a ce vide, un espace sans rien, un temps mort ; pour Joska, c’est l’intervalle entre sa vie d’avant, celle du petit paysan, et l’existence d’après, celle du héros de guerre. »
Promu héros malgré lui, Joska est aujourd’hui un vieillard abandonné à sa solitude – si on excepte la présence de Dolorès, sa gouvernante – dans une maison de retraite dont il « devenu l’unique locataire »
Chemin faisant, à pas et pensées comptés, le (quasi-)centenaire revisite son passé, la guerre, la construction de la légende, attachée à son nom et sa promotion au titre de Pater Patriae- nous sommes dans un pays du bloc. de l’Est – son mariage avec Anke, une étudiante douée, la naissance de Tibor, en 1948, celle de Péli, en 1953.
Et puis les drames se sont succédé, ont provoqué l’entrée dans un tunnel noir.
« Lorsque Joska émerge du tunnel noir, le monde a tourné sans lui. Youri Gagarine vient d’atterrir dans un champ russe. Tibor et ses camarades du collège militaire rêvent de devenir à leur tour cosmonautes. »
L’ancien paysan est nommé diplomate, ce qui lui permet de traverser le Rideau de fer, de se rendre en Grèce, à Paris et la chronologie du roman épouse les grands événements de l’époque
Devenu Président, Tibor séquestre son père dans une geôle dorée, entretenant sa légende à ses fins personnelles et la solitude du vieillard sans état d’âme
« Son fils avait profité des espérances suscitées pour enfermer son pays dans une tragédie sans fin, dont il découvrait seulement toute l’horreur à l’aube de ses cent ans. «
Radioscopie d’une succession de décennies et des années de guerre froide, par le prisme d’un pays de l’Est le récit en traduit l’atmosphère et la température
Et l’attachant combat d’un vieillard soucieux de « rester un homme debout, le plus longtemps possible, »
A Elter
Père Patrie, Thierry Beinstingel, roman, E. Fayard, août 2025, 280 pp