Passagères de nuit

 » Dans ces moments-là, je mesurais de voyage de chacune de nous à la langue que nous parlions »

Récit de femmes, celles de sa lignée, celles qui les ont côtoyées, de Saint-Domingue (Haïti) à La Nouvelle-Orléans et à travers un 19e siècle mâlement dominé, le roman de l’écrivaine haïtienne a été couronné, jeudi passé, du Grand Prix de l’Académie française.

Sabine Wespieser, son éditrice, que je félicitai, penaude de ne pas l’avoir encore lu, me rétorqua, exquise, que c’était au contraire une chance d’avoir encore la perspective de cette magnifique lecture…

Prêtant la voix à Elizabeth Dubreuil et Regina, deux femmes de trempe, le récit revêt rapidement une portée universelle, avec, en toile de fond , les insurrections qui déjà se propagent

Forcée de quitter sa famille et sa Nouvelle-Orléans natale – elle y voit la nuit en 1818 – après avoir tenté de tuer Maurice Parmentier; qui avait …tenté d’abuser d’elle, Elizabeth Dubreuil, débarque à Port au Prince, « un matin de janvier 1842 « dans le pays de naissance de Florette, sa grand-mère. Cette dernière lui a transmis les secrets de son parcours, de sa ténacité et des plantes médicinales.Et surtout celui de « la souveraineté du silence » 

Regina, narratrice de la seconde partie, trouvera, quant à elle, refuge- elle fuit la vilénie de Madame Mérisier – , tendresse et transmission auprès de la solaire Madame Belfort, as Man Jo.

 » Chez Man Jo, j’appris les rudiments de la lecture: je pouvais dresser une liste, signer mon nom ou écrire quelques mots. Dans sa tête, c’était déjà quelque chose de pris à l’ennemi »

Elle s’éprend d’un officier, Léonard Corvaseau, fils d’Elizabeth Dubreuil,

Lui narre sa vie, son approche de la mort,  en une longue lettre d’amour frappée en ritournelle de l’apostrophe  » Mon général, mon amant, mon homme » et soutenue d’un sens aigu de l’observation psychologique

« Madame Belfort était bonne sans autre justification que la bonté elle-même »

Et de la puissante et vitale solidarité féminine

Un roman d’apprentissage et de lumière.

Apolline Elter

Passagères de nuit, Yanick Lahens, roman, Ed. Sabine Wespieser, août 2025, 236 pp

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