L’oreille absolue

« C’était un hiver lumineux et sec où rien ne semblait vouloir mourir. Les rosiers continuaient de porter des fleurs, plus chétives qu’au printemps, moins parfumées qu’en été, aux pétalesdécolorés presque transparents. Les framboisiers laissaient pendre leurs petits visages rouges sous les feuilles recourbées. Les oiseaux lançaient leurs cris vigoureux au coeur de la nuit sans craindre les éperviers, pas plus que les martres ou les chats .Les mouches, gorgées de la canicule passée, poursuivaient leur vol paresseux, insensibles au froid qui crispait pourtant la rosée du matin. »

Tout semble en effet paisible dans la bourgade : la seule agitation crépite autour de la salle des fêtes, du concert de Noël que va donner « l’orchestre d’harmonie » dirigé par Jacques.

Paisible si on exclut l’évaporation de Matis pourtant confié à la garderie de Jocelyne, le combat héroïque de Valentin, le chat adopté par Mariette, « la rêveuse secrétaire de la mairie » tentant douloureusement d’extraire sa patte d’un piège à renard, les visites de Madeline à l’hôpital, au chevet de son fils Soren,  plongé dans le coma depuis l’accident de moto qui l’a précipité dans un ravin….

Et sii la musique, l’oreille absolue que semblent partager le gros Raoul, la brave Sonya et le petit Matis était la meilleure expression de paix, voire d’amour entre les habitants du bourg?

Elle rythme, dans tous les cas, l’atmosphère poétique du roman, ses événements qui reviennent en boucles et ritournelles, lui confère l’allure d’un conte adressé à toutes les générations de lecteurs.

Un conte qui se conclut d’un excipit pétri d’allégresse:

« Comme lui, les habitants du village, réunis dans la salle des fêtes pour le concert de Noël, revivent pêle-mêle peines et joies brassées par la musique, car c’est un hiver lumineux et sec où rien ni personne ne semble vouloir mourir, si bien que pour un temps, seuls les souvenirs, comme des guirlandes coloréesdans la nuit, occupent les esprits et font verser des larmes ou monter des sourires. »

A.Elter

L’oreille absolue, Agnès Desarthe, roman, Ed. de L’Olivier, août 2025, 144 pp

 

 

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