Les yeux de Mona

« N’y plus rien voir Tout devint sombre. Ce fut comme un habit de deuil. Et puis, çà et là, des scintillements, à la façon des taches que produit le soleil quand les yeux le fixent en vain derrière les paupières serrées, de même qu’on serre le poing pour résister à la douleur ou à l’émotion. »

C’est l’expérience traumatisante que vit Mona, une enfant de 10 ans: soixante-trois minutes durant, elle est saisie de cécité.

La vue lui revient ensuite,  de même qu’elle a disparu: sans crier gare.

On comprend l’émoi de ses parents, Camille et Paul, l’arrivée en panique à l’hôpital et la série d’investigations médicales qui va durer de longs mois; Henry Vuillemin, le  pragmatique grand-père, invente une façon originale et belle  de meubler l’angoisse que sa petite-fille unique et chérie ne devienne irrémédiablement aveugle: il la mène un an durant à la découverte hebdomadaire d’oeuvres d’art dûment sélectionnées, cinquante-deux en tout.

Si, par malheur, Mona devenait un jour aveugle à jamais, elle jouirait au moins d’une sorte de réservoir, au fond de son cerveau, où puiser des splendeurs visuelles.

Et c’est ainsi que le merveilleux duo va se retrouver cinquante-deux mercredis après-midis durant, sous le prétexte fictif des séances psychologiques prescrites à  l’enfant, aux coeurs battants des musées parisiens du Louvre, d’Orsay, Beaubourg et la vision d’oeuvres  d’artistes aussi variées que Raphaël, Léonard de Vinci, Carnaletto, Maqrguerite Gérard, Rosa Bonheur, James Whistler,  Malevitch, Kandinsky, Fride Kahlo, Picasso, Pollock, Jean-Michel Basquiat , Louise Bourgeois,  Christian Boltanski,

« Amateur passionné », éclectique, érudit, pédagogue invétéré, Henry prend le temps et les moyens d’initier sa petite-fille à l’apprivoisement personnel des oeuvres, se bornant à les contextualiser, expliquer les intentions des artistes- de passages rendus en italique dans le roman. Mona est vive, maligne, qui intègre rapidement les clefs d’entrée des oeuvres, ainsi que les liens artistiques, historiques et  mantras dont son « Dadé » assortit chacune.

Vous l’aurez saisi: sous la  sympathique trame romanesque ponctuée de rendez-vous médicaux et séances d’hypnose  chez le docteur Van Oost  c’est à une vaste et prodigieuse leçon d’histoire de l’art – illustrée en chaque tête de chapitre  que Thomas Schlesser, historien de l’art, vous l’aurez saisi aussi,  nous convie, à travers le temps et les mouvements.

Une visite guidée hautement recommandée,

Apolline Elter

Les yeux de Mona, Thomas Schlesser, roman, Ed. Albin Michel, février 2024, 496 pp

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