Les monuments de Paris

« Tu racontais ta vie. Tu parlais sans cesse; tu parlais, tu parlais, et ainsi tu orchestrais les bruits de fourchettes, ta verve menait la danse, tu présidais à une chorégraphie majestueuse dont les enchaînements t’étaient délicieux parce qu’ils étaient destinés à t’honorer. »

Après le superbe Fugitive parce que reine (Ed. Gallimard, 2018) consacré à sa mère, Violaine Huisman nous propose un portrait de son père, Denis Huisman (1940-2021) inscrit dans ce XXe siècle qu’il incarne magistralement.

Le récit commence par un monologue de sa fille, venue à son chevet, durant le confinement, tandis qu’il est mourant, récit qui remonte à rebours le cours d’une vie riche, emplie de femmes, d’enfants  – Violaine est son « numéro huit »-  et d’une carrière remarquée

Denis Huisman est notamment le fondateur de l’EFAP (Ecole française des attachés de presse) en 1961, auteur de nombreux ouvrages de philosophie – dont un … monumental Dictionnaire des philosophes  –  à l’usage du bac et du grand public

Pour comprendre ce « monument » qu’a été son père, la narratrice doit enquêter aussi celui que fut George Huisman (1889-1957), son grand-père, Directeur des Beaux-Arts.

« Vous savez, c’est votre grand-père Georges qui  a orchestré l’édification du palais de Chaillot pour l’Exposition universelle de I937, la rénovation de l’esplanade du ‘Trocadéro, les musées de l’avenue d’Iéna, le palais de la Découverte. La réorganisation des musées avait été une de ses préoccupations majeures. » 

Serviteur de l’Etat, aujourd’hui tombé dans l’oubli,, combattant de la Grande Guerre, Georges Huisman fut également l’initiateur, avec Jean Zay et quelques autres du festival de Cannes. Sa première édition était prévue pour 1939; elle fut reportée à 1946 pour cause de conflit mondial.

Son identité juive lui valut exil et démission forcée de ses hautes fonctions.

« Don Juan », lui aussi, il avait une maîtresse d’une beauté « insupportable », Choute de Troquindy, de 22 ans sa cadette

C’est à cette lignée paternelle, riche, fantasque, résiliente, charismatique, que  Violaine rend hommage avec sobriété et tendresse.

Son  écriture est  précise, élégante – à son image, – les registres variés, choisis

Bon sang ne ment pas

Apolline Elter

Les monuments de Paris, Violaine Huisman, roman, Ed. Gallimard, janvier 2024, 288 pp

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