Le livre de Kells

Kells c’est le pseudonyme qu’adopte le narrateur lorsqu’il devient SDF, après avoir quitté le domicile parental de Lyon, en mars 1970 et fui son « tourmenteur » entendez son père.

Un pseudonyme tout droit inspiré de la carte postale autrefois envoyée par son ami Jacques. La représentation du célèbre « Livre de Kells :Chef-d’œuvre du catholicisme irlandais, ce manuscrit a été rédigé en l’an 800 par des moines de culture celtique sur 185 peaux de veaux mort-nés. » sera son viatique, son « talisman », son fournisseur d’énergie et de force, glissée entre les pages de La Nausée (Jean-Paul Sartre)

NDLR Un manuscrit que vous pouvez admirer au sein du Trinity College de Dublin

Débarqué à Paris, escale pour les destinations rêvées d’Ibiza, Katmandou, le tout jeune homme s’instruit à l’école de la rue, de Vlad, Mouss, … des effets du LSD et de la solitude.

« Kells le marginal, couché sur un paillasson rêche aux odeurs de bétail. Ibiza, Katmandou, quelle route? Je suis à la rue. J’ai peur, je pleure. Seul, je n’y arriverai pas. Il me faut des amis, des bras autour de mon épaule. Il me faut des Vlad, des Mouss, des Chô, des Maria. Il me faut le couple du Pont-Neuf. Il me faut Jacques. Il me faut ma maman dans la nuit. »

S’il croise de belles âmes, telle cette dame âgée, du nom de Benguigui, qui lui ouvre son appartement le temps d’une nuit, s’il implore davantage la solidarité que la charité, Kells se sent seul au-delà de ce qu’il aurait pu imaginer

« Paris m’était devenu hostile » 

C’’est alors que le ciel s’éclaircit pour lui, à la faveur d’une découverte de la GP – Gauche prolétarienne –  tendance Mao – et des combats menés ces années-là

 » Sans mot, sans serment, sans sermon non plus, un ballet de jeunes militants gauchistes m’avait doucement entraîné de l’isolement à la fraternité »

Il se voit louer une chambre meublée à un prix dérisoire par Yann et obtenir ainsi sa « première vraie clef »

Epousant l’atmosphère des années post-68, des événements marquants, tel le meurtre de Pierre Overney, le 15 février 1972, ouvrier chez Renault, militant mao, abattu par un vigile de sa propre entreprise, le romancier livre aussi et surtout le récit de sa propre vie, celle d’un garçon de 16 ans, jeté à la rue, durant une année, accueilli par la Gauche radicale parisienne, laquelle, au-delà de la violence qui anime ses actions, l’ouvre aussi à la culture, aux études et tracera la voie de son entrée au journal Libération.

Le livre de Kells a résolument un destin inouï

Apolline Elter

.Le livre de Kells, Sorj Chalandon, roman, Ed; Grasset, août 2025, 384 pp

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