« Ce n’est pas la fin du monde que chante le prophète, mais le sort de certains d’entre nous, autrefois, aujourd’hui, ou dans les temps à venir, le sort de certains, et non de tous. Il dit qu’à chaque moment le monde s’achève en un lieu et nulle part ailleurs, la fin du monde est toujours un événement circonscrit, elle arrive dans votre pays, entre dans votre ville et frappe à votre porte, mais elle n’est pour les autres qu’une vague menace, un bref compte rendu dans un bulletin d’information, l’écho d’événements transformés en récit »
Tout est dit
Paru en 2023 cette dystopie s’est vu attribuer le prix Booker, traduire en français par Marina Bolso et interpréter de façon magistrale par l’acteur Pierre-François Garel pour l’édition audiolivresque.
Dystopie?
On veut le croire mais la marche du monde et la sournoise progression des totalitarismes rendent le propos de plus en plus réaliste et donc angoissant.
Une angoisse rondement alimentée par le rythme oppressant de l’écriture, l’enchaînement inéluctable d’événements d’un scénario infernal.
Car c’est d’enfer qu’il agit
Et la voix chaude de l’interprète de nous entraîner d’empathie dans le cauchemar de la famille Stack.
Une famille ordinaire qui va être laminée par le régime totalitaire qui s’installe à Dublin, l’état d’urgence imposé, répressions corollaires, arbitraires et sanglantes à la clef et les nombreuses restrictions d’un Etat en guerre civile. Paul Lynch se serait inspiré de la tragédie syrienne de l’époque.
Poliment inquiété par le GNSB, la police secrète du nouveau régime, Larry Stack, syndicaliste, est soustrait à sa famille sans plus donner signe de vie
Eilish, son épouse, tente avec courage, bon sens et rationalité scientifique- sa formation- de maintenir le cap de sa famille – quatre enfants de 17 à 1 an – et les soins apportés à son père Simon, atteint d’une maladie neuro-dégénérative.
Mais l’étau se resserre inexorablement, nourri de son licenciement, de l’incompréhension de ses adolescents, de la corruption ambiante et de la question cornélienne de l’exil.
Une lecture qui ne laisse indemne
Apolline Elter
Le chant du prophète, Paul Lynch, roman traduit de l’anglais (Irlande) par Marina Boraso, Ed. Albin Michel, janvier 2025, 304 pp, Ed. Audiolib, août 2025, texte intégral lu par Pierre-François Garel, durée d’écoute 7h15 min.