« Quand les vivants se dérobent, il arrive que les morts viennent à votre secours. Depuis le jour où les trois documents et la photo ont été exhumés d’un coffre mangé de pourriture, Edmond m’occupe l’esprit de manière étonnante. Exclu de l’arbre généalogique de ma famille, il ne cesse de croître en moi tel un arbuste bien décidé à vampiriser tout mon petit territoire. «
Merveille de l’écriture précise, concise, maîtrisée de Caroline Lamarche: tout l’argument de son nouveau roman tient en ces quelques phrases.
Découvrant au hasard de la consultation d’archives familiales conservées par son défunt père l’existence et la photo d’un certain Edmond mort à trente ans, le 30 juin 1865, la narratrice se lance dans une vaste enquête pour l’extraire de l’oubli et avant tour comprendre ce qui l’y a précipité.
Une enquête qui lui permet réflexion et catharsis sur sa propre vie et le couple chahuté qu’elle forme avec Vincent, son « cher mari »
Ce dernier lui a, en effet, révélé, voici quelques années son homosexualité, multipliant les amants, Brian, Markus, Nikolaï, Joāo , et, imposant à leur couple qui perdure l’intelligence de la situation.
Un lien sororal voire maternel envers Edmond, s’établit progressivement dans le chef de la narratrice tendu, jusqu’à l’obsession, par le dessein de lui rendre vie ou du moins d’empêcher sa damnatio memoriae, son complet effacement par la mort, en le réintégrant dans l’arbre généalogique.
« Mais peut-on à ce point s’emparer d’un mort? Et d’un mort qui n’aimait pas les femmes?
Sous le couvert d’une écriture sobre et factuelle, l’écrivaine sonde et peint d’un élégant clair-obscur les affres de la sensibilté amoureuse et de l’accession à une forme de sagesse, de liberté.
» Je l’aimais, sorti de ma vie. Je l’aimais autrement »
Une lecture recommandée
Apolline Elter
Le Bel Obscur, Caroline Lamarche, roman, E; du Seuil, août 2025, 240 pp