» Mon père ne m’a jamais parlé de sa mère, et même personne ne m’a jamais parlé d’elle: Marguerite est une forteresse de silences que personne n’a jamais osé ni voulu ouvrir »
Le miracle avec des chefs d’oeuvre comme l’est La Maison vide, c’est que la clef de voûte tient en quelques rares et précieux arguments.
Chef d’oeuvre car il y a du Proust – ça tombe bien, l’arrière- grand mère de Laurent Mauvignier est née Marie-Ernestine Proust , le 27 août 1885 – du Flaubert, du Zola , du dix-neuvième, du vingtième siècle, mais aussi et surtout du Laurent Mauvignier dans la construction de cette cathédrale de mémoire familiale qu’est « LA maison » , son cerisier ET son piano, personnage central et moteur de la narration.
« (…) et soudain le piano porte le deuil de son avenir – (…)
Thèmes, symboles, distillés de suspens, effets stylistiques, minutie des descriptions, interventions du narrateur, … offrent le plateau de milliers de questions et d’angles de lectures -y compris les angles morts- tout au long de ces quelque 750 pages de texte. Des pages à infuser de longues soirées durant, en s’accordant le temps de la narration, sorte de dégustation de caviar qui est un OVNI dans l’ère de notre vingt-et-unième siècle
Bornons-nous à tracer le fil conducteur de cette dernière et la nécessité pour son auteur de la mener à si grand bien, puisque déjà remarqué de dizaines de milliers de lecteurs, Laurent Mauvignier est lauréat du Prix Goncourt 2025
Voici donc résumé, le produit d’une lecture intense, ponctuée de centaines de post-it et d’une prise de notes de vingt pages
Marqué par le suicide de son père, en 1983, Laurent Mauvignier retrace avec minutie et le peu d’éléments dont il dispose – tout est enfoui sous les secrets de famille,- l’histoire de cette dernière depuis la figure tutélaire de son arrière-arrière grand-père Firmin et de son épouse, « préposée aux confitures et aux chaussettes à repriser »
Soucieux de donner à leur fille Marie-Ernestine une éducation soignée, ils confient leur « Boule d’Or » à l’éducation stricte et formatée d’un couvent. Elle y découvre la passion du piano et s’éprend platoniquement de Florentin Cabanel, jeune professeur de musique, fraîchement (et mal ) marié, à Marie-Clarté.
Mais Marie-Ernestine sera bientôt ramenée à des considérations terre-à-terre et contrainte d’épouser le brave Jules Chichery qu’elle ne parvient pas à aimer
Telle est la clef de ce destin raté et d’une aigreur qui rejaillit sur toute la famille
Leur fille Marguerite, mésaimée, tournera mal, selon les critères du temps, sera tondue à la Libération pour « collaboration horizontale » avec un officier allemand et rayée de l’estime familiale, jusque dans les photos dont son visage est profané.
La restituer dans sa vérité, celle de l’enchaînement des événements se fait urgence pour qui veut comprendre les frustrations mortifères que draîne une lignée
Avec une portée universelle, comme tout chef d’oeuvre qui se respecte
Apolline Elter
La maison vide, Laurent Mauvignier, roman, Ed. de Minuit, septembre 2025, 750 pp





































































































































































