Conversation avec Boris Cyrulnik

C’est à rejoindre le canapé de Boris Cyrulnik que nous convie Eric Fottorino, directeur de la revue Zadig qui recueillit les propos du célèbre neuropsychiatre durant la période des confinements de 2020 et les publie dans la collection Autrement, ce 24 septembre écoulé, à l’instar de la conversation avec Florence Aubenas (chronique de mercredi passé)

Qui ne connaît ce personnage hautement charismatique, à qui l’on associe d’emblée le concept de résilience ?

Oui mais encore.

Par la pertinence des questions et réponses directes, se profile un portrait affiné, diantrement engageant.

Orphelin très jeune suite à la mort de ses parents, Nadia et Aron, déportés à Auschwitz, l’enfant est recueilli par Margot, sa jeune institutrice, sauvé de la déportation après la rafle de Bordeaux du 10 janvier 44 par le courage d’une infirmière et celui involontaire d’une blessée et finalement adopté quelques années plus tard par la tante Dora, soeur de sa mère.

Accusant un retard scolaire important et un ballotage en institutions, le futur psychiatre voit en cette marginalité le berceau de sa réussite:

» Quand j’ai été invité au Clos Lucé par le regretté Gonzague Saint Bris, j’ai compris que si Léonard de Vinci avait accompli un chemin exceptionnel, c’est qu’il n’était pas allé à l’école, étant bâtard. Il n’avait pas été formaté. Sinon il aurait été huissier, comme son. père. Intéressé par la vie, il est devenu un margi- nal. De Vinci et moi partageons le fait d’avoir été contraints à éviter le formatage (rires). »

Et d’insister sur l’importance de la sécurité affective de l’enfant : il vaut mieux faire confiance à celui-ci que le braquer sur les performances induites par nos stéréotypes de réussite, ou parle « rituel sadique » du bac.

Et la fameuse résilience?

« On ne peut parler de résilience que s’il y a un trauma, une souffrance psychique à surmonter. On n’oublie pas ce qui s’est passé, cela reste dans le corps, dans le cerveau, dans la mémoire, mais on se remet à vivre le moins mal possible. Mes premiers travaux, au début des années 1980, portaient sur l’affectivité, qui apporte sécurité aux enfants et permet unereconstruction. Ce socle est aujourd’hui admis, la neuro-imagerie le confirme. Ce qui me surprend, c’est l’importance dans ce processus du langage, des fabricants de mots – psys, journaistes, essayistes, romanciers, cinéastes, tous les fabricants de récits. Je ne l’avais pas compris. Maintenant, je me rends compte que les gens habitent davantage un monde de récits qu’un monde de faits. »

L’étude des animaux fut un tremplin pour approcher l’intelligence préverbale des humains et prévenir des carences dramatiques induites par défaut d’expression parentale d’affectivité

Quand je vous dis que la conversation est passionnante

Apolline Elter

Conversation avec Boris Cyrulnik, propos recueillis par Eric Fottorino, Ed; Zadig / Autrement, septembre 2025, 80 pp

 

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