Mais qu’est-ce qu’on va faire de toi?

  Quelqu’un de bien. De très bien.

   Voilà la réponse que vous pouvez adresser, en toute sérénité, Michel Drucker, à votre père, Abraham Drucker, généraliste, pneumologue dévoué à sa normande patientèle, père intransigeant dont l’ombre  et le regard surplombent le récit de votre vie.

  " On ne peut pas comprendre l’homme que je suis ni mon parcours professionnel sans ce leitmotiv qui va hanter ma vie après avoir bousillé mon enfance: réussir, ne plus jamais connaître l’échec" (p 44)

  Rédigée avec la plume complice de Jean-François Kervéan, l’autobiographie que Michel Drucker offre à ses lecteurs est une mine de lucidité, de sincérité  – la fausse modestie nous est épargnée – et d’enseignement sur le métier public que l’animateur exerce.

  Quarante années de sacerdoce auprès de la télévision du Service public – seules quatre années passées auprès d’une chaîne privée interrompront cet engagement choisi – l’influence magistrale de grandes pointures à la Zitrone, Michèle Arnaud, les "murs épais des (studios de) Cognacq-Jay" , les événements de mai 68, leurs conséquences, les relations cordiales, le plus souvent amicales et tellement respectueuses  avec les plus grandes personnalités des mondes politique et de la Variété rendent le récit particulièrement riche.

  Et puis, il y a cette façon si attachante de parler des siens, son épouse, Dany, ses frères, surtout Jean Drucker, d’un an son aîné dont le décès  le  marque tant ,  ses parents – pour qui il a toujours cette attitude d’enfant prêt à se repentir – ses nombreux amis,  qu’on se dit qu’il y a une réelle grandeur d’âme à considérer de façon si aimable les membres de son entourage.

  De rares coups de griffe, une majorité de coups de chapeau, des chapitres émouvants, tel celui où il évoque le couple présidentiel Chirac avec une respectueuse tendresse, telle est la marque imprimée par l’animateur dont la courtoisie n’a d’égale que le professionnalisme et l’anxiété répétée de ne pas y arriver.

  Quelques pages consacrées à son hypocondrie notoire, ce"job à plein temps" qu’il évoque avec une pudique jubilation et le sujet est clos.

"Ma carrière commence chaque matin. Il n’y a pas d’âge pour avoir le goût des autres".( p 270).

  Cette carrière-passion, Michel Drucker, "médecin des âmes" entend la mener jusqu’à son dernier souffle, à l’instar , une fois encore,  de son médecin de père.

  C’est tout le bien que l’on peut souhaiter à ses innombrables fans, aux millions de spectateurs de "Vivement dimanche".

Apolline Elter

Mais qu’est-ce qu’on va faire de toi?, Michel Drucker (et Jean-François Kervéan), Paris, Robert Laffont, novembre 2007, 316 pp