Le meilleur des jours

url.gifIl est de ces romans qui, d’emblée, vous sont amis. Un climat s’installe d’entrée de pages qui vous procure bien-être et bien lire. Telle s’inscrit notre première découverte de la rentrée littéraire. La découverte d’un nouvel auteur, également, Yassaman Montazami, qui fera, à coup sûr parler d’elle. 

La mort de son père, Behrouz –   » le meilleur des jours« , en persan – invite la narratrice à évoquer le parcours de sa vie. De sa naissance, prématurée, dans les années ’40, au sein d’une famille bourgeoise de Téhéran à son décès à Paris, en 2006,  sa fille brosse le portrait d’un homme attachant, fantasque, cocasse, altruiste et généreux … trimbalant en son cerveau constamment bouillonnant, l’idéologie marxiste de la première heure et le travail d’une thèse de doctorat qui jamais ne verra le jour.

 » Quand il aurait achevé ses travaux, la cause originaire de l’inégalité entre les hommes serait enfin révélée. Le système qui l’avait engendrée serait mis à nu et s’effondrerait. Et le fossé qui sépare les riches et les pauvres, les possédants et les dépossédés, pourrait être comblé. Le monde deviendrait meilleur. »

De cette France des années ’70 où il emmène sa famille, Behrouz participe, à distance, aux événements qui secouent l’Iran-  renversement de la monarchie des Pahlavi, avènement de l’ayatolah Khomeiny.. – faisant de son salon parisien, le refuge de compatriotes exilés,  la plate-forme de discussions animées.

Oscillant entre la candeur du regard de l’enfance  et la compréhension bienveillante de l’adulte qu’elle est devenue, Samanou – Yassaman Montazami –  offre de ce père aimé, un portrait fascinant, drôle et poignant,…  singulièrement attachant.

Je vous en recommande la lecture

AE

Le meilleur des jours, Yassaman Montazami, roman, Ed. Sabine Wespieser,  août 2012, 138 pp, 15 €

Billet de faveur

AE :  Yassaman Montazami, vous rendez à Behrouz, votre père, un bel, un merveilleux hommage.  Celui qui  fait entrer le lecteur en sympathie immédiate avec un être hors norme.   Je ne peux m’empêcher d’évoquer Pascal Jardin, « le Zubial », en découvrant le caractère de Behrouz.  Ce serait intéressant de confronter, avec Alexandre Jardin, les personnalités de vos pères respectifs :

 

Yassaman Montazami : J’avais lu à l’époque avec beaucoup de curiosité le livre d’Alexandre Jardin à propos de son père, car, bien évidemment, celui-ci m’évoquait le mien par sa radicalité et ses excentricités. Le Zubial comme Behrouz avaient un besoin infini de séduire et d’être aimés. Leur premier public était leur enfant : c’est un public forcément acquis.

Je partage avec le narrateur du Zubial cette fascination inquiète qu’un enfant peut avoir pour un parent qui se met volontairement à l’écart des normes sociales. Je reconnais aussi  cet amour filial sans limite qui peut se refermer comme un piège sur celui qui l’éprouve – comment affirmer sa propre singularité face à un père si original ?

AE : Quel a été l’élément déclencheur de ce récit (auto)biographique ? La découverte du carton  contenant les notes de sa thèse inachevée ?

Yassaman Montazami : L’élément déclencheur a été la maladie de mon père. J’ai eu, comme je le dis dans le prologue du livre, le pressentiment de sa mort, quelques jours avant  les premiers symptômes de son cancer. Ce sont des expériences sidérantes qui peuvent arriver aux plus rationnels d’entre nous, dont je suis.

A partir de ce moment, j’ai éprouvé  un besoin vital de maintenir mon père en vie par n’importe quel moyen. L’écriture m’était le plus immédiatement accessible.  J’étais désespérée à l’idée qu’il allait disparaître d’un monde qui sans lui  serait  moins drôle, moins bon et plus convenu.  J’ai commencé à taper les premières  pages  comme on ferait un massage cardiaque acharné sur un cœur qui ne battra plus. 

AE : Dans un passage d’anthologie, vous décrivez la complicité, la filiation littéraire qui vous unit à votre père, « cette sensation grisante que mon père et moi étions les uniques et privilégiés interlocuteurs des auteurs qui m’inspiraient le plus grand respect » , lui devez-vous aussi cette naissance (très réussie) à l’écriture ?

 

Yassaman Montazami : Je dois tout à mon père, notamment mon intérêt pour les livres et la littérature. Chez les Montazami, l’amour de la langue fait partie du patrimoine. Mon grand-père connaissait, comme beaucoup de personnes de sa génération, des poèmes entiers par cœur. Il les citait en exergue de chaque moment de notre vie. Mon père avait également pour habitude de comparer les gens de notre entourage à des personnages de romans. J’ai donc été accoutumée à ce que la réalité trouve un prolongement fictionnel ou métaphorique qui l’amplifie. C’est une bonne base pour avoir envie d’écrire.