Le coiffeur de Châteaubriand

 

Les Estivales de l’Ermitage consacrent le retour sur des publications majeures de l’année écoulée, qu’il serait vraiment dommage de manquer…

Le coiffeur de Châteaubriand

Adolphe Pâques est coiffeur de son état. Attaché à l’entretien quotidien de la chevelure – lacunaire – de François-René de Chateaubriand, écrivain et  ancien Ministre d’Etat. Il est à ce point fasciné par l’écriture de son illustre client, qu’il retient par coeur les bribes de ses écrits et conserve le reliquat de ses cheveux pour en faire, in fine, une oeuvre picturale des plus originales…

« Les seuls instants que je guettais jusqu’alors c’étaient  les moments merveilleux où M. de Chateaubriand dictait devant moi les pages qu’il venait d’écrire. Je m’emparais de chaque nouvelle phrase avec un bonheur de sauvage. Je la gravais dans ma mémoire. Je la chérissais. Je rêvais de retarder encore un peu la publication, si j’en avais le pouvoir, pour faire durer les jours où les phrases nouvelles n’appartenaient qu’à moi. »

Jubilatoire en effet.

L’histoire se corse avec l’arrivée de Sophie, jeune Malouine, arrivée tout droit de Saint-Malo. Elle modifiera, partant, l’équilibre des relations établies entre Châteaubriand, son coiffeur et l’épouse de ce dernier:

 » Il y avait deux hommes en moi, et je ne l’avais pas compris. Le bon M.Pâques, le coiffeur bien coiffé, le bonhomme dont on se moque et que ses amis imitent au dîner mensuel des grands coiffeurs. Et un autre, qui existait aussi et que je ne voyais pas quand je me regardais dans la glace. Un Adolphe Pâques qui n’avait pas mon visage, pas ma stature, qui ne me ressemblait pas, mais qui était moi, aussi: celui qui lisait à haute voix les pages de M. de Châteaubriand. Celui qui aurait voulu aller aux Amériques, à Jérusalem et aux Indes, celui qui aurait aimé écrire. Ce second Adolphe s’éveilla au premier des regards de la jeune Malouine. »

Un roman qui ..décoiffe avec brio le mythe de Châteaubriand.

Le coiffeur de Chateaubriand, Adrien Goetz, roman, Grasset, mars 2010, 174 pp, 12 €