Erevan

Erevan

Une lecture impérative.

« Alors venez, crevez l’abcès et, comme je l’ai fait, entrez dans ce livre et vivez l’impensable

L’invitation est signée Charles Aznavour : crever l’abcès pour éviter de devenir « le complice silencieux des négationnistes« , pour donner une sépulture aux morts.

 Erevan. Le grand roman d’un peuple.

Un « roman vrai », basé sur des faits majeurs avérés, des personnages existants, nourri d’ une bibliographie impressionnante.

Gilbert Sinoué nous emmène dans l’Empire turc du début XXe, à Erzeroum, ville d’Anatolie orientale. Nous voici  plongés dans le quotidien de la famille Tomassian, arménienne de sang. De ce sang qui unit trois générations et qui bientôt coulera à flots.

Constantinople,  1914. Prenant prétexte de la guerre mondiale et d’une supposée trahison  de la minorité arménienne, un triumvirat ittihadiste démoniaque, constitué de dirigeants de l’Empire ottoman,  Enver Pacha, Talaat et Djemal Pacha, en programme la disparition.

« Parce que l’Histoire a démontré que chaque fois que ce pays est entré en guerre il s’est retourné contre nous, les Arméniens, obsédé par la crainte que nous le poignardions dans le dos. » p 66

 Le lecteur assiste, impuissant, à la dépossession progressive des droits élémentaires et biens de la population arménienne pour en arriver à sa déportation massive et assassine, en 1915, par convois de trains et de charrettes. Un scenario qui évoque de façon saisissante le génocide juif qui aura lieu quelque trente ans plus tard.

« Une minorité devient toujours, tôt ou tard, le bouc émissaire de quelqu’un. » p 141.

Si Gilbert Sinoué signe une nouvelle oeuvre littéraire – on retrouve avec bonheur l’élégance de sa plume  et la subtilité de tournures orientales  – il fait aussi oeuvre humanitaire, nous rappelant au devoir de mémoire, tout douloureux soit-il.

Apolline Elter

 Erevan. Arménie.Le grand roman d’un peuple, Gilbert Sinoué, Flammarion, janvier 2009, 356 pp, 21 €