Comme des larmes sous la pluie

untitled.jpgLa pluie efface-t-elle les blessures de la vie?

Simon Bersic, auteur à succès, pourra-t-il connaître une nouvelle fois l’amour, après le décès de Méryl, l’Amour de sa vie? Naëlle, jeune femme aussi belle qu’énigmatique, sortira-t-elle de cette coquille qu’elle semble avoir bétonnée autour de son existence?

« Depuis des années, elle avait développé cette faculté d’échapper à la réalité grâce à la lecture; ses compagnons de voyage couchés sur papier étaient bien différents de ceux qu’elles côtoyait chaque jour avec leurs odeurs, leur présence envahissante, leurs regards insistants. »

Et puis, il y a cette voix enfantine qui interrompt le fil du récit – et sa typographie  – de propos qui se révèlent bien inquiétants..Séquestré dans une cave, un petit garçon vit des moments abominables.

Enchaînant les points de vue qui résonnent comme tant de musiques différentes, le fil de la narration, tendu d’une intrigue bien ficelée,  est allégé de scènes d’atmosphère familiale judicieusement rassurantes. Pour son premier roman,  la comédienne* Véronique Biefnot révèle une écriture maîtrisée, une riche palette descriptive et un sens aigu des peintures d’atmosphères.

Le lancement de ce roman, ancré à Bruxelles, aura lieu, ce soir (entre 19h et 20h30), en l’antre de « Marc [Ndlr : Filipson], le dynamique propriétaire de Filigranes, irrésistible centre d’attraction pour les bibliophiles et les gourmets du haut de la ville. »

Apolline Elter

Comme des larmes sous la pluie, Véronique Biefnot, roman, Editions Héloïse d’Ormesson, mai 2011, 328 pp, * €

* Voir, notamment,  Le dieu du carnage  (Yasmina Reza) http://editionsdelermitage.skynetblogs.be/archive/2009/01/16/le-dieu-du-carnage.html

 

Billet de faveur

AE: Véronique Biefnot, en filigranes  – c’est le cas de le dire- de votre roman, apparaît une vision chevaleresque de l’Amour: Simon abordera Naëlle avec un grand respect de son mystère et d’une  souffrance qu’il soupçonne. Le couple formé par Grégoire et Céline semble n’avoir pris aucune ride, après vingt ans de mariage. Voilà qui sort un peu des sentiers battus  – et expédiés  – aujourd’hui,  en matière de scenarii amoureux. Ne pensez-vous pas?

Véronique Biefnot : Bien sûr, chacun de ces couples représente un peu « l’inaccessible étoile » dont je me plais à croire ( dans ce tome-ci en tout cas ….) qu’on peut l’atteindre à condition d’y mettre du respect, de la patience, de l’attention, du désir et de la tendresse…tout le travail quotidien que représente la vie à deux. Sur un plan plus romanesque, Simon offre à Naëlle ce que chacun d’entre nous ( enfin, j’imagine…)rêve de connaître un jour : un amour inconditionnel, absolu, sans attente. Il se voue à cette femme sans savoir si l’avenir leur permettra de se retrouver ; ça correspond à ce besoin fondamental de la petite enfance d’être protégé, aimé sans limite ; un amour romantique, fulgurant et incontournable. Le couple formé par Grégoire et Céline est, lui, plus ancré dans le réel et le quotidien, plus mature ; même si leur amour dure depuis plus de Vingt ans ( ça existe…j’en connais…et de très près…) ils sont davantage confrontés à une gestion du banal, que je trouve tout aussi exaltante . Je souhaitais faire cohabiter ces deux « visions », pas décrire un univers univoque où l’amour et la passion n’auraient qu’un seul mode d’expression. Dans mon roman, je trouvais plus juste d’alterner le poétique et le sordide, le sublime et le banal, le quotidien et l’exceptionnel…comme dans la vie.

AE: L’alternance des focalisations et des typographies confère une musicalité particulière aux différentes expositions. Tel cet Adagio de Barber, singulièrement approprié –  que Simon écoute en boucle. Avez-vous une musique en tête pour chacun de vos protagonistes?

Véronique Biefnot : Je suis contente que vous me posiez cette question car la musique est, dans mon quotidien, fondamentale et accompagne la plupart de mes moments. Effectivement, cette « bande-son » est significative : Simon, avant sa rencontre avec Naëlle, écoute cet adagio de Barber qui le conforte dans une délicieuse mélancolie, ensuite, quand il la guette, pendant des heures dans sa voiture, il écoute Radiohead, Aaron et Ozark Henry…il revient donc au contemporain et à l’action (même si ces musiques gardent une forte connotation méditative) La rencontre avec Naëlle le ramène à la vie et au présent ! Naëlle, elle, n’écoute aucune musique , ne regarde pas la télévision ; ces intrusions la mettent mal-à-l’aise (je pense que la lecture du roman explique cette forme d ‘ autisme). Quand à Grégoire et Céline, la musique envahit leur maisonnée puisqu’ils s’expriment à travers la création : elle dans la peinture, lui dans la musique;

AE: C’était important  pour vous d’ancrer ce premier roman dans Bruxelles et le Brabant wallon?

Véronique Biefnot : C’était important de l’ancrer dans le réel car, au-delà de la dimension romanesque, il y a tout de même une série de faits divers atroces et inouïs qui ont guidé l’élaboration du récit . Le fait que certains d’entre eux se soient déroulés en Belgique n’est qu’un élément supplémentaire (on en dénombre malheureusement dans tous les pays !) mais il est certain que dans la mémoire collective de ce pays, et dans la mienne, assurément, ces faits ont été épouvantablement marquants. Par ailleurs, il me plaisait de décrire Bruxelles sous un autre angle, pas forcément les coins habituels et touristiques, mais le Bruxelles de ses habitants avec les habitudes des différents quartiers et les mouvements d’évolution économique liés, notamment, à la grande quantité d’eurocrates qui y résident désormais, faisant de cette ville un exemple singulier et intéressant de mélange culturel et social .