Félicien Rops – Joséphin Péladan – correspondance

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L’étude de la correspondance ropsienne nous amène à découvrir un bien curieux personnage: Sar Merodack Joséphin Péladan (1858-1918) comme il se fait appeler, écrivain, critique d’art, occultiste … un peu « givré », si vous voulez que je vous livre le fond de ma pensée. 

Nous reviendrons sur son portrait, le 27 juin prochain, jour centenaire de son décès. 

Ce sera l’occasion de l’extraire  quelque peu de l’oubli dans lequel il a sombré..

 Pour l’heure, intéressons-nous à sa rencontre avec le « Compère Fély » , comme il le nomme, enfin entré en une certaine intimité avec le célèbre illustrateur.  Lyonnais de naissance,  Joseph-Aimé Péladan a 25 ans quand il entre en contact avec Félicien Rops, de 25 ans son aîné.  Pétri d’admiration pour l’oeuvre de ce dernier, il s’en sent l’obligé, instaurant dans leurs rapports un mode de subordination qu’il ne quittera guère.

 » Enfin ma plume est aux ordres de votre burin » affirme-t-il d’entrée de correspondance, en avril 1883

Témoin privilégié de la mutation de Rops dans le registre symbolique illustré notamment par la série des Sataniques,  Joséphin Péladan entend utiliser cette féconde amitié au service de son propre développement artistique. Rops crée quatre frontispices pour les publications de Péladan, lesquelles sont certainement nourries des échanges entre les deux hommes. Une précieuse stimulation que révèlent, pour partie, leurs propos épistolaires.

« J’ai vu de vous des eaux-fortes magistrales & d’une perversité si intense, que moi qui prépare le traité de la perversité , e me suis épris de votre extraordinaire talent. » affirme le fougueux jeune homme, lequel ne publie pas le traité annoncé.

Notons le caractère soigné, littéraire, facétieux, créatif, … d’une correspondance étalée sur dix ans, de mars 1883 à mars 1893 . Passant progressivement du « Cher Monsieur » au « Cher Ami » , témoin d’une réelle complicité dans leur « perversité moderne » , les compères se plaisent à créer des termes neufs, jouer sur leurs acceptions, … alternant les missives – fleuves – riches d’informations sur leur travail  mais aussi état moral ou de santé, respectifs – et les lettres courtes, écrites « au galop »,  ‘au débotté », « en steeple chase« . Certains extraits sont des modèles du genre. Nous reviendrons sur le sujet. Côté Rops, on ne peut que souligner la qualité de plume d’un artiste qui « pratique autant la plume que le burin. »

Les annotations de Joséphin sur le courrier de Rops font office de réponse interne, rappelant à notre esprit la manie yourcenarienne des annotations.

Si elle se fissure de quelques malentendus – dus en partie, à la distance géographique qui les sépare –  cette correspondance d’estime et d’amitié est une mine pour qui veut approcher, mieux cerner,  l’ami Fély, en son ultime maturité.

Apolline Elter

Félicien Rops – Joséphin Péladan – Correspondance réunie, présentée et annotée par Hélène Védrine, Ed. Séguier, 1997, 266 pp