Une année studieuse

une+annee+studieuse.jpgEt ..limpide.

 » Si Jean-Luc avait fait de moi une femme, loin de lui, je redevenais une adolescente et je contemplais avec inquiétude mon reflet dans le miroir. »

Il est des dates qui façonnent votre destin, tel ce jour de juin 1966 qui voit la jeune Anne Wiazemskyi – 19 ans – adresser à Jean-Luc Godard une lettre d’amour « sans réaliser la portée de certains mots – et entreprendre Francis Jeanson, personnage, célèbre pour son soutien au FLN, afin qu’il lui donne des leçons de philo.

« Ma lettre postée, je me rendis pour la première fois de ma vie, au cocktail d’été des Editions Gallimard. Je venais d’échouer en partie à mon baccalauréat de philosophie et devais passer un oral de rattrapage, en septembre. Malgré cet échec, malgré ma timidité, j’étais animée, ce jour-là, d’une étrange énergie »

Une énergie qui scelle le début d’une relation amoureuse, fougueuse, passionnelle et.. étouffante avec le cinéaste, de 17 ans son aîné.

Tiraillée entre sa famille et son amant – l’hostilité maternelle, la tyrannie patriarcale, finalement bienveillante, de François Mauriac, son grand-père,  frappent l’idylle d’une clandestinité romanesque – Anne tente de mener de front, une première année de philo à la fac de Nanterre, l’exploration du milieu cinématographique, une certaine vie sociale au sein de sa génération et le mariage rocambolesque qui l’unit à Jean-Luc Godard, le 21 juillet 1967.

 » Je n’aurais pas su l’exprimer à l’époque , mais dans mon amour pour Jean-Luc, il y avait l’amour de son métier, de ses films et de ses amis; j’étais autant amoureuse de lui que de son univers »

Plongeant le lecteur dans une chronique singulièrement actuelle, précise et vivante de la fin des années 60, Anne Wiazemsky restitue de façon sobre, limpide et passionnante, l’atmosphère de sa relation avec le cinéaste. Des souvenirs qui (re)prennent leur juste place, sans fioritures, ni l’interprétation filtrée d’un éclairage postérieur.

Apolline Elter

Une année studieuse, Anne Wiazemsky, roman, Gallimard, janvier 2012, 262 pp, 18 €