William

« Shakespeare a décidé qu’il ne pouvait se satisfaire de Stratford et  de la routine d’une vie de famille. Contrairement aux jeunes gens de son époque, il s’est détaché de tout ce qui le liait à un lieu, à des ancêtres, à des responsabilités d’homme installé. Le comble est qu’on ne sait rien des années qui précèdent les premières pièces et cette disparition a duré longtemps: sept années. De ses vingt et un à ses vingt-huit ans. Les théories sur ces «années perdues» sont nombreuses. Elles vont prospérer, car elles excitent l’imagination. »

Et c’est ainsi que Stéphanie Hochet va, à son tour, se pencher sur la vie de « Will », entendez, William Shakespeare (1564 – 1616  – né et mort à  Stratford-upon-Avon, au centre de l’Angleterre )  et surtout une psychologie,  complice de la sienne à cinq siècles de distance.

Tôt marié – Anna Hathaway était enceinte de Susanna et de ses oeuvres – l’ainé de la fratrie Shakespeare trouve un emploi d’enseignant dans la campagne anglaise. Peu après la naissance de ses jumeaux, Judith et Hamnet en 1521, Will fuit le domicile conjugal tout à « l’angoisse de passer à côté de sa vie » . C’est très actuel, cela, comme conception. Et la romancière d’évoquer ses propres fugues de jeunesse, produits de la violence familiale et d’un malaise corollaire.

« Disparaître est un réflexe de survie. Certaines familles sont si étouffantes qu’à moins de ressembler à ceux qui les composent, il n’y a que la rupture qui vous maintienne vivant. Soudain le fonctionnement de ces clans vous paraît anormal et la transgression devient une nécessité. »

Il intègre la Compagnie des comédiens de la Reine, sa vraie famille, celle des artistes et prend les commandes de la narration, qui passe à la première personne, en ce deuxième acte du récit. La découverte malodorante de Leicester, puis de Londres, des miasmes et spectres épidémiques,  n’en est que plus prégnante au même titre que l’ivresse des débuts sur les planches, tremplin de son avènement à l’écriture

Une incursion introspective et  captivante dans une part occulte de la vie du célèbre dramaturge

Apolline Elter

William, Stéphanie Hochet, roman, Ed. Rivages, août 2023, 192 pp

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