Vivre vite

« Pour écrire il faut être obsédé par ce qu’on raconte »

Et de fait, Brigitte Giraud tourne et retourne dans sa tête l’enchaînement des faits, la séquence des hasards qui ont entraîné l’accident de moto qui coûta la vie à Claude,  son mari, le mardi 21 juin 1999,  

« Il n’y a pas d’ordre, ni chronologique ni méthodologique, à l’enchaînement des événements. Seulement des vagues qui se profilent depuis l’horizon, bien visibles sur leurs lignes de crête, le plus souvent inoffensives parce que prévisibles, vaguelettes ou rouleaux peu importe, et puis il y a ces lames de fond, qu’on n’a pas vues venir, qui enflent et viennent vous engloutir quand vous avez le dos tourné. »

Elle succombe au deuil, au remords et à la tentation irrépressible de reconstruire le passé; Pour ce faire, elle emprunte le procédé du « disnarré » – merci Laurent Nunez pour la précision terminologique – en un long chapelet de « si, rythmant, ponctuant chacun des chapitres du ré- cit 

« Si je n’étais pas allée à Paris le mardi 22 juin mais le vendredi 18 comme prévu. Si mon frère n’avait pas été en panne de garage. Si les Mercier n’avaient pas cédé à mon désir d’acheter leur maison. Si nous n’avions pas eu les clés à l’avance.(…) Si le feu n’était pas passé au rouge. Pas, pas, pas, pas, pas, pas, pas. Évidemment que Claude a démarré. »

Message de souffrance, d’un deuil encore si vivace, le récit est aussi une formidable déclaration d’amour à l’adresse de Claude. Il suscite l’empathie et a emporté celle des jurés du Prix Goncourt

« J’ai emménagé seule avec notre fils, au cœur d’un enchaînement chronologique assez brutal. Signature de l’acte de vente. Accident. Déménagement. Obsèques. L’accélération la plus folle de mon existence. L’impression d’un tour de grand huit, cheveux au vent, avec la nacelle qui se détache. »

Apolline Elter 

Vivre vite, Brigitte Giraud, récit, Ed. Flammarion, août 2022, 208 pp

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