Virginia et Vita

une_annee_amoureuse_dans_la_vie_de_virginia_woolf_01.jpg« Je ne veux plus quitter le monde du vrai pour celui du faux. J’aimerais oser la première personne, ne plus me perdre, ni me tromper. Je crois aux histoires inventées mais je crains le roman et les héros de papier. Au-delà du point final, le roman continue d’exister  »  écrit Virginia (Woolf) dans son Journal.

De la relation amoureuse, complexe et nourrie de jalousie qui la lie à Vita Sackeville-West, aristocrate fantasque, écrivain elle aussi, Virginia Woolf façonne son célèbre Orlando.

« (…) Orlando existait par sa faute, et ce héros bâti sur des indiscrétions et des commérages était le fruit de sa faiblesse. »

Et celui de sa rédemption.

C’est un voyage au coeur de la création littéraire que nous propose Christine Orban, rééditant, en ce début d’année, le texte d’Une année amoureuse de Virginia Woolf (1990). Décortiquant le processus d’écriture jusque dans sa composante graphologique et celui d’un d’amour  en trio –  Léonard, mari et éditeur de Virginia, aura la bienveillance suprême de laisser la relation des deux femmes suivre son cours – la romancière scrute les mouvements de l’âme woolfienne, les blocages de sa vie sexuelle et sociale, leur résolution virtuelle.

Et puis, il arrive que les héros se rebiffent,  s’affranchissent de l’autorité de la plume, entamant ainsi un dialogue aussi surréaliste que fondamental avec l’auteur:

 » – Je m’appelle Orlando..J’ai trente ans et j’aimerais vivre la vie normale d’un garçon de mon âge.

Virginia étendait sa couleur sans attention ni précaution particulière. Orlando l’exaspérait. Comment répondre au caprice d’un héros de papier quand il demande l’impossible? Depuis quelque temps, les raisonnements et les comportements étaient ceux d’une femme. Il n’a plus envie de cravacher son cheval, ni de chevaucher à cru sa monture, il veut être obéissante, parfumée, revêtue de délicieux atours, fatale pour conquérir. »

AE

Virginia et Vita, Christine Orban, roman, Albin Michel, janvier 2012, 234 pp, 17 €

 Billet de faveur

AE : Christine Orban , thème et écriture de l’ouvrage sont d’une actualité singulière. Avez-vous retravaillé le texte d’Une année  amoureuse de Virginia Woolf ?

Christine Orban :  Cela peut être une épreuve de se relire… On peut se décevoir, Zelda Fitzgerald écrivait à Scott «  Tantôt je me sens un Titan, tantôt je me sens un avorton de trois moi », je l’ai échappée belle, j’ai été « l’écrivain confirmé qui relit la jeune romancière » et j’ai corrigé les trois premiers chapitres, à vrai dire j’étais heureuse de  redécouvrir des détails concernant la vie de VW que j’avais oublié , d’apprendre  de la « jeune romancière », de constater avec plus de recul que le sujet tenait la route et me passionnait toujours…

 

 «  Vita n’était pas l’inspiratrice d’Orlando : la détonatrice seulement. »

AE : La relation de Vita et de Virginia est-elle, au fond,  libératrice ?

Christine Orban: Un écrivain est toujours porteur du sujet, la rencontre agit comme un détonateur . Vita a joué ce rôle. Mais Orlando est un homme qui se transforme en femme, qui va vivre quatre siècles…on est loin de la réalité et en même temps grâce à cette distance romanesque, Virginia va se permettre d’en dire plus que dans une biographie classique, tout en l’utilisant, tout en la vampirisant, tout en la couchant  sur une feuille de papier …

AE : un héros qui change de sexe, au cours du récit, ce n’est pas courant.  Quelle place revêt Orlando dans le parcours de la célèbre romancière. ?

Christine Orban :   C’est un livre révolutionnaire pour l’époque, on pourrait dire une biographie imaginaire dont le héros androgyne est réfractaire à la société patriarcale, Virginia Woolf, parlait de «  Livret », c’est un roman d’aventure à la manière de VW, c’est à dire  que c’est aussi un roman psychologique grâce à la capacité extraordinaire de Virginia de peindre les sentiments et les relations entre les êtres humains.

Ne pas oublier que Vita s’est reconnue…