Trente-six chandelles

 

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Les romans de Marie-Sabine Roger ont un petit air de fête. On sait qu’on y trouvera ce cocktail délicieux d’humour, de tendresse et de fantaisie. Ce loufoque mâtiné de vraie convivialité humaine.  Réjouissez-vous chers visiteurs, vous ne serez pas déçus…

 » Dans ma famille paternelle non seulement les garçons (un exemplaire unique à chaque génération) sont affligés d’une espérance de vie de serf pestiféré au coeur du Moyen Age, mais leurs prénoms commencent par « Mor », de la même façon que les prénoms de leurs soeurs , s’il y en a, commencent par « Vi ». »

Tel est le  destin de Mortimer Decime, le narrateur: issu d’une lignée d’hommes tous morts à 11 heures, le jour de leur 36e anniversaire, il se prépare d’entrée de narration à cette funeste échéance. Pour ce faire, il a revêtu son plus beau costume, mis en ordre tous ses papiers, vidé son frigo et mis un terme à son bail d’appartement. Il est fin prêt à croiser… sa fin.

Analysant, avec une jubilation confondante, toutes les facettes d’un tel déterminisme  – si l’on connaît la date de son décès, on est forcément invincible, avant ! – la romancière nous régale. Elle pimente son propos de métaphores acrobatiques, images inédites et tellement éloquentes.

Un souffle d’air frais, espiègle et tendre.

On en redemande

Apolline Elter 

Trente-six chandelles, Marie-Sabine Roger, roman, Ed. du Rouergue (coll. brune), août 2014, 288 pp

 Billet de faveur

AE: votre héros, le narrateur, est programmé pour mourir à 36 ans. Vous pensez que ce serait une bonne chose de connaître l’heure exact de notre trépas?

Marie-Sabine Roger: Je pense que ce serait une chose réjouissante si la date annoncée était très lointaine, mais que la situation tendrait à devenir de plus en plus inconfortable au fur et à mesure qu’on se rapprocherait de la date butoir! (Sans jeu de mots, ou bien avec – comme vous préférez). A moins, bien entendu, d’avoir une solide force morale, et une grande sérénité, ce qui n’est pas à la portée de tout le monde.

Notre étrange condition d’humain boitille entre une certitude : nous allons mourir, et une ignorance : nous ne savons pas quand. 

En attendant le jour fatidique, nous avons à cœur de faire comme si de rien n’était. C’est légitime, car si le passé est passé, le futur, par définition, n’existe pas encore … Ce qui fait de notre existence une succession d’instants présents, durant lesquels nous pouvons tout à fait nous prétendre immortels.

Vu sous cet angle là, mourir semble un peu plus vivable, non?  

 

AE: votre langue est vivante, votre style très imagé. Il est rythmé çà et là, d’alexandrins discrets.

Tel  » Les secrets de famille sont de noires araignées qui tissent autour de nous une toile collante.  »  en qui résonnent les célèbres vers du « Sonnet des correspondances » :

« La nature est un temple où de vivants piliers

Laissent parfois sortir de confuses paroles »

Vous avez conscience de cet aspect étonnamment  « baudelérien » de votre plume? 

 Marie-Sabine Roger: « Baudelérien », comme vous y allez ! C’est un très bel hommage, en tout cas. Complètement immérité, sans aucun doute, mais j’en suis tout de même ravie.  

Lorsque j’étais jeune (hier, donc), j’ai commencé par écrire des poèmes, comme beaucoup d’adolescents. 

J’en ai gardé une tendance à travailler « à l’oreille », à jouer avec les rimes, les cadences, surtout dans mes albums jeunesse. Mais je glisse parfois sournoisement quelques alexandrins – ou des octosyllabes – dans mes romans et mes nouvelles, aussi. Mine de rien. 

Je ne recherche pas cette écriture, elle est naturelle. Il a même fallu que je me discipline, pour ne pas me laisser déborder constamment par cette musique qui, de légère, aurait fini par devenir omniprésente, lancinante, et peut-être un peu… somnifère?