Passé composé

« Je vais tenter d’être juste. Pas forcément exhaustive mais sincère. »

Mission pleinement accomplie pour ce récit de vie – familiale et professionnelle – frappé de lucidité, loyauté, intégrité.

De modestie aussi.

Souvent réduite en nos yeux à l’image mythique de présentatrice-vedette de l’émission 7/7 et celle, planétaire, d’épouse bafouée dans « L’affaire DSK » ,  Anne Sinclair entend rendre à ces événements leur juste pondération, dans le parcours de toute une vie et rétablir au passage certaines vérités tout aussi bafouées,

De son enfance plutôt paisible, heureuse , d’enfant unique,  nourrie de lectures, musique, « religion muséale »  et d’une passion tôt éclose pour le journalisme à sa vie actuelle d’écrivain  ( voir nos chroniques de 21 rue de la Béotie, Ed. Grasset, 2012 ,  La rafle des Notables, Ed Grasset, 2020), mère, grand-mère et compagne comblée de Pierre Nora, la jeune septuagénaire nous offre – c’est de l’ordre du cadeau  –  le récit d’un parcours infiniment riche mais aussi de la vision dans laquelle toutes les rencontres, événements s’intègrent.

Aux galeries de portraits d’une foultitude de personnages publics,  saisis sur le vif,  exquisément croqués,  s’intègre une vision de la mission du journaliste  – qui ne doit pas verser dans le simple faire-valoir des personnes interrogées mais leur imposer un débat contradictoire – et de l’évolution politique de la France.

L’analyse en est d’autant plus percutante, qu’elle est frappée d’honnêteté , de vraie ouverture, oserions-nous dire,  d’intelligence.

Et de décliner, ce faisant, l’identité revendiquée:

« Se définir est dans l’air du temps. Je n’y cède que pour les besoins du récit. Je n’aime ni les communautés, ni les chapelles, qui excluent par essence ceux qui n’en font pas partie. Si je devais pourtant consentir à cette mode, je dirais que je suis femme, mère, française, juive, de gauche, journaliste. Et plutôt dans cet ordre. Et puisque j’ai promis la sincérité, j’avoue que dans nombre de ces identités, je me trouve inaboutie et incomplète. »

Et d’aborder avec courage et classe ‘le chapitre impossible »  de l’enfer traversé en 2011  et d’une vie soudain jetée en pâture.

Un récit captivant, édifiant, lumineux. nourri de grande bienveillance.

Il mérite la nôtre.

Et notre admiration.

Apolline Elter

Passé composé, Anne Sinclair, récit, Ed. Grasset, juin 2021, 384 pp

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