Le lecteur inconstant

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On écrit parce qu’il manque un livre. Parce qu’on croit qu’il manque un livre. Ca, je ne le savais pas quand j’ai commencé à écrire. La notion de « livre qui manque » est indispensable pour se mettre à écrire. Car si on ne croit pas que quelqu’un doit écrire ce livre qui n’existe pas, à quoi bon l’écrire? « 

Incarcéré en 1972 par le régime militaire uruguayen, le jeune Carlos Liscano restera treize années en prison, avant de s’exiler en Suède et de revenir, en 1996, en sa patrie d’origine. Il a alors 47 ans et s’établit en Uruguay.

«  En 1981, cela faisait neuf ans que j’étais en prison. Je n’avais jamais rien écrit. Un jour, j’ai décidé d’écrire un roman. J’ai passé six mois à écrire à la main, en petits caractères, patiemment et lentement, un roman. Comme il était interdit d’écrire, je cachais mes papiers là où je le  pouvais.(…) Lorsque j’ai terminé ce roman, je me suis aperçu qu’écrire m’aidait à vivre. » 

A l’aube de ses soixante ans, l’écrivain compte désormais une vingtaine d’ouvrages à son actif. L’occasion de se pencher sur le rôle de l’écriture – de la lecture corollaire –  et sa fonction existentielle. Une démarche qu’il insère dans le journal de sa vie en Uruguay – truffé de  précisions météorologiques pluvieuses – et qu’il ponctue de souvenirs arrachés à son enfance, son passé  de prisonnier et d’exilé. Conjointement, il associe le lecteur à l’élaboration du deuxième volet de l’ouvrage, Vie du corbeau blanc, sorte de roman picaresque dans lequel l’écrivain, métamorphosé en corbeau rend hommage à de grandes figures de la Littérature: Eugénie Grandet, Tarzan, Ulysse, lady Alice, Esméralda…

 » J’ai eu tous les Grandet, le père, la fille, l’oncle et le neveu. Je me suis lié d’amitié avec la tragique Eugénie Grandet.« 

Le Lecteur inconstant suivi de Vie du Corbeau blanc, Carlos Liscano, trad. de l’espagnol par Martine Breuer et Jean-Marie Saint Lu, Belfond étranger, septembre 2011, 372 pp, 21 €