Vers la beauté

 » Il est souvent possible d’anticiper la faiblesse. Certaines personnes s’effondrent, font ce que l’on appelle communément une dépression, et la plupart du temps nous ne sommes pas surpris. (…) Ce n’était pas le cas d’Antoine. Rien ne laissait présager un tel bouleversement dans sa vie. « 

 Quelle mouche a piqué Antoine Duris?

 Professeur d’histoire de l’art aux Beaux- Arts de Lyon, fin, passionné, brillant pédagogue, le jeune homme largue son bel appartement, sa vie, pour « monter »  à Paris, briguer le poste de gardien au musée d’Orsay.

 Directrice des ressources humaine de la prestigieuse institution, Mathilde est pour le moins déconcertée par la requête de ce candidat singulier, à l’évidence, surqualifié; elle  procède néanmoins à son  recrutement : le  musée inaugure dans quelques jours  une grande rétrospective de l’oeuvre de Modigliani et a besoin de renfort à cette occasion. Cela tombe bien, Antoine – qui n’est pas le cousin de Romain Duris, quoiqu’il le prétende à l’occasion –  est éminent spécialiste de l’artiste.

C’est dire comme il en connaît un bout

C’est dire comme il va méditer des heures et des jours, placé face au portrait de Jeanne Hébuterne, engager avec la muse du célèbre artiste, un dialogue intérieur de grande intensité.

C’est dire comme il va agacer Fabien Frassieux, un guide prétentieux, quand il nuance publiquement le contenu de sa péroraison.

 Aidé de Mathilde et des questions sensées qui la taraudent et qu’elle pose à Antoine, le lecteur va peu à peu entrevoir la cause de la névrose qui submerge ce dernier,  le  sentiment de  défaite – amoureuse  –  mais aussi et avant tout de culpabilité qui lui enjoint de fuir les siens, sa vie antérieure, la simple joie d’exister.

 Il n’a désormais pas d’autre dessein que de passer inaperçu; sa rééducation sociale  est à ce prix.

 Tragédie de l’emprisonnement que provoque l’impossibilité d’exprimer une souffrance intérieure,  le roman  – qui comporte bien des similitudes avec la biographie que l’auteur consacrait à Charlotte Salomon ( Charlotte, roman, Ed. Gallimard, 2014)  – est aussi celui de la rédemption, terrain d’une subtile, percutante histoire d’amour.  Il renferme, ce me semble, une implication personnelle accrue de son auteur. Une quête de ce bout de tunnel qui pourrait bien être celle d’un funky noceur….

 Une quête émouvante – et réussie – de la beauté.

Je vous la conseille

 Apolline Elter

 Vers la beauté,  David Foenkinos, roman, Ed Gallimard, mars  2018,  222 pp

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