La femme de nos vies

Elle se nomme Ilsa Schaffner, et se meurt, centenaire, chambre 313 de l’hôpital d’Hadamar.

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 Revenu sur les lieux où il échappa, quelque 70 ans plus tôt, à la sinistre inauguration du système de douches à gaz, imaginé par les nazis pour épurer la société des débiles et handicapés,  le narrateur, le célèbre  physicien David Rosfeld,  entreprend de réhabiliter, aux yeux de Marianne Le Bret,  la mémoire passablement malmenée de sa grand-mère.

Un dîner au restaurant, arrosé de vin blanc,  contitue le cadre et le prétexte  de ce flash back , long monologue par lequel le narrateur dévoile le stupéfiant sacrifice d’un compagnon de chambrée,  David Rosfeld et l’échange de matricule qui lui valut vie sauve.

« C’était fait. Notre échange était consommé. David ne s’était pas trompé: quand les gens ne sont plus que des numéros, il suffit de changer un chiffre pour devenir un autre. »

Pas tout à fait. L’ex-« bouseux » rejeté par ses parents et placé en institution  doit désormais se montrer digne de l’âme de son défunt ami, enfant surdoué repéré par Ilsa Schaffner. Et surtout, il ne peut decevoir sa protectrice, qui misant sur sa science nucléaire, entend l’arracher, ainsi que quelques camarades semblables,  au programme d’extermination prévu à leur encontre.

« J’ai incarné le plus grand défi de sa vie. Le point culminant de ce travail sur l’intelligence auquel elle consacrait toute sa vie. » 

Ancré sur l’imposture initiale d’une identité usurpée, les exigences scientifiques et celles d’une vie rendue double, le nouveau roman de Didier van Cauwelaert semble renouer avec la veine stylistique de ses premiers écrits (Un aller simple, La demi-pensionnaire…)

Apolline Elter

La femme de nos vies, Didier van Cauwelart, roman, Albin Michel, 300 pp, 19,5 €