Sous le toit du monde

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  » Pays de défis, le Népal est devenu le pays sacré, mystique et exceptionnel, celui où il faut aller pour atteindre le nirvâna, le toit du monde, dont le sommet touche le ciel, l’Everest. »

S’il fait fantasmer tous les candidats à l’ascension des sommets supérieurs, le Népal cache en son sein des violences inouïes. Celle d’un système de castes, d’abord, qui codifie les relations sociales sur un mode extrêmement rigide. Celle de la condition féminine, ensuite,  désavantagée  par un système patriarcal archaïque. Celle, enfin, d’assassinats iniques et sauvages perpétrés par des ombres.

Construisant son roman , en un jeu de miroirs poignants, sur les assassinats sauvages de trois membres de  la famille royale népalaise, le 1er juin 2001 et de la journaliste Uma Singh – incarnée en la jeune et belle  Ashmi – le 11 janvier 2009, Bernadette Pecassou livre de Kathmandou, de  ses  réalité quotidienne,  richesses, et beauté, une vision percutante.

La route  d’Ashmi, universitaire de basse caste,  rencontre celle  de Karan, journaliste français d’origine népalaise, fondateur d’un quotidien d’expression nouvelle et libre, témoin qui porte un  regard neuf sur la patrie de ses ancêtres. Tout juste sortie d’une guerre civile, le pays n’est pas prêt à entendre ses vérités, encore moins à remettre en question la condition féminine et le scandale du système des dots . La collaboration avec le Summit News précipitera le destin tragique de la jeune femme.

Un roman poignant bâti sur trame de faits historiques et d’un regard bouleversant sur un pays qui fascine.

Apolline Elter

Sous le toit du monde, Bernadette Pécassou, roman, Flammarion, octobre 2013, 314 pp, 20 €

Billet de faveur

AE : Votre roman offre une vision alarmante, Bernadette Pécassou,  de la réalité népalaise – violence rentrée ou exprimée sauvagement, mépris de la femme, rigidité du clivage social – et  révèle en même  un  profond attachement pour Katmandou, ses habitants, ses femmes. Qu’est-ce qui vous lie à cette ville ?

Bernadette Pécassou :Rien avant que je n’y sois allée. Tant de choses depuis. Elle est le monde disparu, le chaos d’aujourd’hui. Des murs de parpaings et des toits de tôle y côtoient des éléments d’architecture exceptionnels jusque dans les plus humbles maisons, des sculptures anciennes de bois au coin des rues, devant les maisons, dans une entrée entrouverte.  Le passé se dissout devant nos yeux, « la maléfique négligence », celle dont parlait Orhan Pamuk quand il se plongeait dans le vieil Istanbul. Des constructions galopantes et anarchiques ont tout enseveli. Et pourtant, Katmandou est une magie. Le Népal tout entier est une magie. A en avoir les larmes aux yeux d’émotion. On mesure quand on y est tout ce que nous avons accompli ici, en occident. Mais on  touche aussi de très prés ce que nous avons perdu. L’enchantement de la vie ensemble.

 

AE :  Institution mythique, le Katmandou Guest House est le passage obligé des candidats à l’ascension des sommets. Y avez-vous séjourné ?

Bernadette Pécassou : Oui, et ce fut aussi incroyable que de se retrouver dans un vieux film. L’hôtel n’est pas très confortable. Matelas durs comme du bois, couvertures lourdes, salles de bains datant des années 50. Mais tout est parfaitement entretenu et l’ambiance est là, la beauté du lieu. Les boiseries cloisonnées dans les chambres aux couleurs d’acajou, les ventilateurs d’époque, le jardin impeccable, les hautes fenêtres cintrées. Le Katmandou Guest House au cœur de Thamel était un ancien palais Rana, cette dynastie qui a régné sans partage sur tout le Népal pendant  104 longues années. Son atmosphère est encore chargée de cette histoire et de celle des résidents célèbres qui y sont passés. On sent la charge d’une forte atmosphère particulière dés qu’on y pose le pied. Il est l’hotel préféré des trekkeurs et alpinistes qui savent son histoire et veulent y avoir séjourné. Tant pis pour le matelas et la salle de bain. Un peu d’inconfort vaut bien pareille magie.

 

AE : Votre roman paraît un mois après que le cerveau présumé de l’assassinat perpétré sur Uma  Singh ait été arrêté.  Y voyez-vous le gage d’un avenir plus serein  pour le pays?

Bernadette Pécassou :Oui, bien sûr, et il faut l’espérer car ils ont trop souffert.  Quand à mon roman, il venait juste  d’arriver de l’impression chez Flammarion quand la dépêche de RSF annonçant l’arrestation du meurtrier d’Uma Singh est tombée. Le jour même, le 23 septembre. Avec  une incroyable précision. Il m’arrive de croire au destin. Car cette annonce  de l’arrestation prouve que la fragile démocratie du Népal fait son chemin, avec une détermination incroyable malgré son peu de moyens et le peu d’intérêt que cela soulève hors de ses frontières. Sous le toit du monde, un ultime royaume est en train de devenir une république. Le Népal s’organise, et s’apaise.