On pourrait même parler de sacrifice, tant la vie du père de Giuseppe Santoliquido, a été jalonnée d’abnégations.
Voici que sa santé vacille, que ses jours sont comptés, entraînant dans le chef de son fils, un arrêt sur le temps, reflux des souvenirs, des incompréhensions qui ont terni leur relation et une tentative de connaissance et surtout de reconnaissance par le biais de l’écrit.
Nous en publierons demain, à 17h, un merveilleux extrait en guise d’infusion, d’High Tea dominical et de fête (belge) des pères.
Né à Gallinaro, bourgade des Pouilles en juillet 1938, le père s’exile avec sa famille, quelque dix ans plus tard, en Belgique et plus précisément à Seraing, près de Liège. A la clef, une totale et respectueuse volonté d’intégration en leur pays d’accueil
L’enfant manifeste de réelles dispositions intellectuelles et pourrait entreprendre des études supérieures, malgré l’indigence de la famille, grâce à l’appui des curé et vicaire de la paroisse. Cet avenir lui est refusé au prétexte qu’il créerait une situation injuste pour la fratrie. Cette frustration inique impactera la vie entière du père.
« Un fond tragique couve au creux de toute existence.
Le décret paternel a frappé l’enfance de mon père au beau milieu de ses rêves, lui inoculant l’apathie funeste de l’obéissance, le poids calamiteux du devoir. Il a obscurci son ciel, le lui a rendu inaccessible. Le coup a touché les racines profondes de son être, le privant, pour l’avenir, de la sève créatrice de ceux qui portent en eux les songes. »
De petits boulots de mécanicien automobile à la gérance d’une concession prospère, d’un mariage d’amour avec une ravissante jeune fille, d’onze années sa cadette, d’un retour raté à son pays natal devenu quelque peu étranger, la vie du père sera faite de hauts et de bas, de périodes de confort et d’austérité, marquée au fer blanc de cet extinction d’enthousiasme vital opéré par un père suicidé peu après.
Pour autant – et c’est là que le portrait devient sublime – jamais il ne se mettra en travers de la route de son fils, soutenant avec confiance, abnégation et l’appui énergique de son épouse, ses résolutions les plus incongrues.
« Il m’enseignait ce qu’était un père, à moi qui n’avais jusqu’alors vu de lui que le visible, ce qu’était un homme armé de la force du cœur: un être qui bénit, ouvre un chemin. Cette ultime étape dans la mise à l’écart de son être a été mon point d’ancrage, la fenêtre par laquelle j’ai pu prendre mon envol. C’était le dernier acte de son effacement, le parfait inaccomplissement. »
Un hommage subtil, sensible, diantrement émouvant à un être d’ombre et de grandeur.
Une lecture recommandée.
De hauts vol et plume
Apolline Elter
Le Don du Père, Giuseppe Santoliquido, récit, Ed. Galllimard, mars 2025, 208 pp
Billet de faveur
AE : Votre père a-t-il pu lire votre récit ou du moins des extraits ?
Giuseppe Santoliquido : Oui, mon père est toujours vivant et a pu lire le texte.
AE : Ce portrait de (re)connaissance vis-à-vis de votre père est aussi un portrait en creux de la femme solaire qu’est votre mère :
Giuseppe Santoliquido : Tout à fait. Le personnage de ma mère est indissociable de celui de mon père, tant au niveau des liens affectifs que de la complémentarité de leurs tempéraments. Le texte n’aurait pu être s’écrire sans sa présence littéraire.