« Le temps d’une nuit, elle m’a appartenu. J’ai eu droit à ses souvenirs, à ses dérives, à ses terreurs. Je suis, oui, seule, descendue dans son ventre. »
Ce ventre, c’est celui de la prison de Montluc, à Lyon, devenu aujourd’hui Mémorial national après avoir servi de lieu d’incarcération et de sévices, de 1921 à 2009. Les prisonniers, femmes et hommes, de droit commun s’y sont succédés par périodes, interrompues par la détention de prisonniers politiques, communistes, résistants de guerre, partisans de l’indépendance algérienne, mais aussi juifs en partance pour la déportation
Les quelque quarante enfants juifs d’Izieu y ont passé une nuit de terreur après avoir été lâchement dénoncés
Klaus Barbie, le boucher de Lyon, y séjourne en 1983 dans l’attente de son procès
C’est dire comme les murs sont imprégnés d’Histoire et comme il n’est pas anodin d’y passer une nuit, seule, pour en tirer le récit d’impressions, selon les prescriptions de la collection » Ma nuit au musée », créée par Alina Gurdiel et bien connue des visiteurs de ce site
« Je pensais rencontrer ici des fantômes. Mais c’est moi le fantôme, en réalité, errant, cheveux épars, à travers les couloirs caverneux, des ouvertures qui donnent sur des abysses, »
Egrenant, heure par heure, la relation de cette nuit impressionnante, la rencontre, par le biais de photographies, avec les prisonniers passés par les murs, voire enfuis, tel André Devigny, Anandi Devi convoque les événements de sa propre vie, ceux de sa lignée.
Elle rend hommage à quelques héros désormais oubliés, telle Hélène Dubois, entrée en Résistance à l’âge de dix-huit ans
Une pluie diluvienne s’invite dans la dramaturgie d’une nuit éprouvante
Une nuit qui ne laisse pas indemne et prolonge ses effets au-delà des murs de la prison, nous offrant une courageuse plongée dans un nécessaire devoir de mémoire
Apolline Elter
La nuit s’ajoute à la nuit, Ananda Devi, essai, Ed. Stock, collection « ma nuit au musée », août 2024, 294 pp