Crépuscule

« Toute énigme possède le mordant du poivre, et Nourio était friand d’épices. »

Et de fait, quoi de plus excitant, pour secouer la vie monotone d’une bourgade impériale d’avant la Grande Guerre,  que d’assassiner son curé ?

Une bourgade paisible,  dont les communautés chrétienne et musulmane vivent en relative bonne intelligence.

Nourio, Capitaine de police, affublé de Baraj son pataud adjoint, discerne de surcroît, dans la résolution de ce meurtre,  une belle opportunité en matière de carrière.

« L’enquête qu’il commençait consistait pour lui à faire durer le plaisir le plus possible mais à ne pas le noyer, à s’éloigner du tôt, sans dépasser le tard. »

Tout est question de stratégie et Philippe Claudel ne le niera pas,  qui tisse pareillement sa toile narrative, nourrissant sa facture classique – éminemment flaubertienne – de longues et superbes descriptions d’atmosphère. Qui sonde l’âme des protagonistes avec une acuité psychologique imparable, dénuée de concession mais non d’une certaine tendresse.

Les personnages de Lémia, la fille du sabotier Pakmur, de Baraj, de Martha – l’épouse du Policier, diffusent de la sorte un halo de lumière dans la grisaille crépusculaire ambiante.

Il faut , d’évidence, attendre la fin du roman pour connaître l’identité du coupable, ses motivations. Mais le meurtre du curé Pernieg  aura fait entre-temps bien des dégâts, fustigeant la communauté musulmane locale, la fuite du médecin,… réveillant en Nouro des pulsions sexuelles malsaines..

Un climat anxiogène soutenu d’une écriture ciselée, d’un vocabulaire précis, choisi et percutant.

Apolline Elter

Crépuscule, Philippe Claudel, roman, Ed. Stock, janvier 2023, 352 pp

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *