Une forme de vie

Une forme de vie

Il est en nos mains, le nouvel Amélie Nothomb, qui chaque année sonne le clairon  de la rentrée et la jubilatoire découverte d’un cru attendu. Aussi, je  vous l’annonce tout …cru: la vendange est  supérieure. L’auteur s’y dévoile,à plus d’un titre, adressant les filigranes d’une lettre ouverte à ses nombreux correspondants.

« Melvin était loin d’être le premier à avoir besoin d’exister pour moi et à sentir qu’avec moi tout était possible. Néanmoins, il était rare que cela me soit dit si simplement et si clairement.

Quand je reçois ce genre de propos, je ne sais pas très bien quel effet cela me fait: un mélange d’émotion et d’inquiétude. Pour comparer de tels mots à un cadeau, c’est comme offrir un chien. On est touché par l’animal,  mais on pense qu’il va falloir s’en occuper et qu’on n’a rien demandé de pareil. »

Embarquée, à sa plume défendante, dans une correspondance avec Melvin, un soldat américain de deuxième classe , posté à Bagdad et affublé d’une sidérante obésité, la narratrice se prend au jeu. L’occasion pour l’auteur, qui se définit comme une épistolière de la première heure – « Je suis épistolière depuis bien plus longtemps que je ne suis écrivain »-  d’ébaucher, à l’intention des lecteurs, un  traité de correspondance, assorti de nombreuses réflexions et surtout de consignes pour le courrier qui lui est adressé…: « Ainsi, j’ai observé que les meilleures lettres ne dépassent jamais deux feuilles A4 recto verso (j’insiste sur le recto verso: l’amour des forêts contraint à l’épistographie. Ceux qui s’y refusent au nom d’une vieille règle de politesse ont d’étranges priorités) »

Non moins intéressante est la réflexion sur l’obésité et le sabotage kamikaze qu’elle introduit dans la vie quotidienne et les rapports sociaux. Barrière adipeuse, qui permet de tenir les événements tragiques et l’entourage à distance, l’obésité est décrite dans son ampleur pathologique, poussée dans une logique de destruction prétendûment artistique.

Sans oublier les précieuses confidences que l’auteur distille, à travers les pages, révélant son désarroi quand il s’agit d’établir des frontières dans les contacts: «  Je suis cet être poreux à qui les gens font jouer un rôle écrasant dans leur vie »

Un grand cru, je vous le certifie.

Apolline Elter

Une forme de vie, Amélie Nothomb, roman, Albin Michel, août 2010, 168 pp, 15,9 €

 

2 commentaires sur “Une forme de vie

  • Un petit Belge 7 septembre 2010 at 16 h 37 min

    Un grand MERCI pour votre gentil envoi!
    Qu’on aime ou qu’on déteste ce qu’elle écrit, j’ai beaucoup de respect pour Amélie Nothomb quand je vois chaque année le nombre de jeunes qui font la file pour une dédicace à la Foire du Livre de Bruxelles. C’est le public le plus difficile à conquérir, et bravo si elle y arrive depuis presque 20 ans.
    De mon côté, j’ai détesté « Hygiène de l’assassin », j’ai aimé mais sans plus « Les catilinaires », et j’ai adoré ses deux romans autobiographiques au Japon, « Stupeur et tremblements » et « Ni d’Eve, ni d’Adam ». J’ai aussi lu sa biographie signée Michel Zumkir afin de découvrir qui se cache sous le chapeau noir.
    Et vous Appoline, quels sont vos préférés parmi ses oeuvres?

  • Apolline Elter 7 septembre 2010 at 21 h 05 min

    Je conviens qu’Hygiène de l’assassin ne m’a pas séduite moi non plus; par contre, les Catillinaires, j’ai adoré: une cruauté dans l’humour et un humour dans la cruauté que seule Amélie Nothomb peut se permettre car, dans le fond, c’est quelqu’un de très respectueux.
    Stupeurs et tremblements reste son oeuvre majeure, géniale, digne de tous les superlatifs. métaphysique des tubes est également très bon.
    Quant à son dernier, il m’a particulièrement accrochée: j’avoue que tout ce qui touche de près à l’art épistolaire m’intéresse au plus haut chef. Ce dernier roman sort du lot, à mon sens.
    Je crois au génie d’Amélie Nothomb
    Bien cordialement,
    Apolline

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