Victor Horta 1861-1947

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Notre blog est en liesse de célébrer, en ce week-end ascensionnel, la naissance – attendue – de la monographie magistrale que Michèle Goslar consacre à l’architecte – belge –  de génie, Victor Horta.

Publication conjointe du célèbre Fonds Mercator et de la Fondation Pierre Lahaut, l’ouvrage, prestigieux, magnifiquement illustré des plans et réalisations de Victor Horta révèle, d’un texte dense, alerte et vivant, le curriculum vitae exhaustif du « père spirituel de la nouvelle architecture« ,  fruit de treize années d’un travail  rigoureux, courageux, passionné, signé Michèle Goslar.

Nous  sommes tout simplement …abasourdis, émus d’une telle œuvre.

 » Il fallait le génie de Horta pour créer le Palais de tous les arts dont la Belgique rêvait depuis des lustres. Il fallait son génie pour le réaliser sur un terrain ingrat, tout en tenant compte des servitudes  imposées par l’urbanisme et la Ville. Il le fallait encore pour y intégrer les rêves de tous et créer, sur un seul étage apparent, les 8000 m² et les quarante salles d’exposition souhaitées. Il le fallait enfin pour accepter que la monumentalité, qui ne pouvait s’exprimer à l’extérieur, soit cantonnée à l’intérieur, sans en souffrir »

Quintessence d’un art mis au service de ses commanditaires, le Palais des Beaux-Arts  (Rue Ravenstein – Bruxelles) consacre la reconnaissance publique d’un artiste souvent décrié de ses contemporains, injustement traité par les arcanes du pouvoir. Il est l’une des quelque 160 œuvres que Victor Horta compte à son actif,  maisons, villas  et hôtels privés, galeries marchandes et grands magasins, musées,  socles et monuments funéraires, pavillons, ….consciencieusement répertoriées par Michèle Goslar et remis dans la perspective de leur édification.  Car, et c’est un atout majeur de l’ouvrage, l’auteur présente chaque réalisation, dans le contexte de la vie de Victor Horta, et développe sa dévolution, de sa construction à nos jours.

Perfectionniste à outrance, bourreau du travail et de journées actives de 18 à 20 heures…, l' »Archi-Sec« , doit à son entrée en Loge quelques-unes de ses plus prestigieuses commandes: les hôtels Hallet (voir sur ce blog  nos chronique et visite récentes ), Autrique, Tassel….témoignent du souci qu’avait Horta de s’adapter au style de vie de ses commanditaires pourvu qu’on lui laissât carte blanche de temps – il était lent, refaisant jusqu’à 10 fois ses plans – et d’argent…

Trahisons, deuils, triomphes de sa vie privée et de son parcours professionnel revêtent sous la plume de Michèle Goslar un tour ..passionnant. Et l’on vient à bout de ce volume riche  – de quatre kilos  – d’illustrations et d’un texte serré, magnifiquement couché sur du papier glacé, plus pénétré que jamais par une juste admiration.

Les têtes de chapitres sont synthétiques et éloquentes, qui permettent une sélection de lecture et un retour régulier aux textes qu’elles chapeautent.

Un ouvrage….monumental.

AE

Victor Horta. 1861-1947. L’Homme- l’Architecte – L’Art nouveau, Michèle Goslar, monographie, Fondation Pierre Lahaut, Fonds Mercator, beau-livre,  mai 2012,  566 pp, 150 €

Billet de ferveur

AE: Michèle Goslar, vous dédiez l’ouvrage à Michel Gilbert, propriétaire de plusieurs maisons Horta (les Hôtels Vincq, Winssinger et Hallet et jusqu’il y a peu, la Villa Carpentier) et célébrez l’authenticité de son souci de restauration. Il accomplit là un travail inestimable:

Michèle Goslar: Au départ, je comptais dédier le livre à Jean Delhaye, architecte lui-même et disciple de Horta, qui a œuvré toute sa vie pour sauver des réalisations de l’architecte gantois. Mais, j’ai douloureusement constaté, durant mon enquête, que plusieurs immeubles acquis pour les sauver avaient été complètement saccagés à l’intérieur car Jean Delhaye était persuadé qu’ils ne pourraient résister au temps qu’en les transformant en immeubles de bureaux ou d’appartements. Ce fut le cas notamment des hôtels Dubois (avenue Brugmann) et Deprez (rue Boduognat)… A l’inverse, Michel Gilbert, qui a aussi acquis quatre hôtels de Horta, les a restaurés, parfois seul (hôtel Vinck), parfois avec l’aide de l’IRPA, mais toujours en restituant l’état le plus proche de l’origine. Ce travail et cette dépense méritaient que je les honore.

AE: avez-vous eu des contacts avec les petits-enfants Laruelle ou tout autre membre de la famille Horta pour rédiger sa biographie?

Michèle Goslar: J’ai, en effet, contacté Christian Laruelle, arrière-petit-fils de Victor Horta, pour obtenir des renseignements sur sa grand-mère, Simone Horta, et la famille. Mais il m’a dit ne pouvoir m’aider d’aucune sorte…

AE: La correspondance de Victor Horta, dont vous citez des bribes, a-t-elle été un moyen commode de cerner sa vérité?

Michèle Goslar: Mes sources essentielles ont été les Mémoires de Horta, mais aussi et surtout les archives (Travaux publics, archives juridiques, archives institutionnelles (CPAS, Cedom (Loge), Musée Horta…etc) et, bien sûr, la visite des immeubles construits par Horta et les discussions avec leurs propriétaires. Je n’ai, malheureusement pas eu accès aux archives Wittamer… La correspondance avec Ilse Conrat Twardowski est la seule où Horta, considérant un peu sa correspondante comme une confidente, confie ses sentiments et dévoile son amertume, notamment à l’égard de son pays. Je l’ai retranscrite et elle est désormais consultable au Musée Horta.

AE: De son origine sociale – il est issu d’un milieu d’artisans – à sa mort assez solitaire, bien des points  et sans doute un génie commun rapprochent Victor Horta d’Antoni Gaudi, le célèbre architecte barcelonais, de 9 ans son aîné. Seriez-vous tentée de creuser un jour la comparaison?

Michèle Goslar: J’ai beaucoup d’admiration pour l’œuvre de Gaudi. J’ai eu l’occasion de voir la Sagrada Famillia que la ville de Barcelone continue à édifier et je rends hommage à un pays, l’Espagne, qui n’a rien détruit de ses architectes Art Nouveau. Mais le génie de Gaudi, baroque à souhait, me parle moins que celui de Horta : ses œuvres présentent un côté « organique » très dérangeant là où Horta est rationnel et élégant, léger et tout en harmonie et finesse. Comme le style de Hankar peut être lourd ou  celui de Van de Velde mièvre… Seul le style de Horta me touche dans toutes ses manières et jusqu’à sa dernière réalisation.

AE: Passer treize années aux côtés d’un génie, à scruter sa vie, ses réalisations, les atteintes bonnes ou pernicieuses qu’on lui a portées,  ce n’est pas anodin, cela vous forge une vie. Victor Horta fait partie de votre vie, désormais:

Michèle Goslar: Tout comme Marguerite Yourcenar, à qui j’ai consacré ma première biographie, Horta fait désormais partie de moi. C’est après coup que j’ai pu constater leurs nombreux points communs : même acharnement dans le travail, même mépris des modes, mêmes déceptions dans le domaine affectif… Horta me touche encore plus car il n’a pas joui, comme Yourcenar, de la reconnaissance unanime de son talent et a connu le saccage de son œuvre de son vivant. Le doute qu’il exprimait sur la valeur de son architecture et sa certitude qu’elle disparaîtrait complètement un jour ont motivé le ton de mon livre, comme si je pouvais le convaincre de la réussite totale de son labeur. Qui sait si l’âme existe ?

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Invitée par le club Rotary de Namur-Confluent ( Cercle de Wallonie), ce jeudi 29 novembre 2012, Michèle Goslar présenta l’homme, l’architecte et les oeuvres au cours d’une conférence « Power Pint  » en tous points recommandable…

Reportage-photos: Etienne Rosman

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DSC03229-Ti.jpgDSC03323-Ti.jpgDSC03317-L.jpgPrélude à la lecture de la monographie..colossale, l’ouvrage relatif à l’Hôtel Hallet  (Ed. Avant-Propos) trace de façon claire et précise la place de Victor Horta dans l’environnement qui fut sien.